Brésil : coup de filet contre le clan Bolsonaro
L'étau judiciaire se resserre autour de l'ancien président, accusé de tentative de coup d'État
En Bref
Une vaste opération de police a visé Jair Bolsonaro et plusieurs de ses proches ce jeudi
La police enquête sur des tentatives de coup d’Etat lors de l’élection présidentielle de 2022
Visé par de nombreuses affaires, l’ancien président a perdu sa crédibilité politique mais le pays reste profondément divisé.
La police brésilienne a lancé ce jeudi 8 février une vaste opération baptisée “Tempus Veritatis” (“l’heure de vérité”), visant le clan Bolsonaro et nombre de ses ex-collaborateurs. La police fédérale a mené 33 perquisitions et a évoqué une enquête sur “une organisation criminelle qui a pris part à une tentative de coup d’Etat […] pour obtenir des avantages politiques avec le maintien du président de l’époque au pouvoir”.
Plusieurs généraux du gouvernement de Bolsonaro ont vu leur domicile perquisitionné, tel que Walter Braga Netto, ancien ministre de la Défense et candidat à la vice-présidence aux côtés de Jair Bolsonaro, ainsi que Augusto Heleno, ex-ministre du Cabinet de sécurité institutionnelle. La police qui s’est rendue au domicile de Bolsonaro lui a demandé de leur remettre son passeport. Mesure à laquelle l’ex-président devrait se plier selon un de ses avocats.
Selon la police, Jair Bolsonaro et plusieurs de ses alliés politiques visés par cette enquête se seraient entendus en 2022 pour affirmer que l’élection présidentielle allait être truquée et ainsi légitimer une intervention de l’armée et empêcher la transition démocratique. Pour la police, cette stratégie a commencé avec la propagation de fausses informations sur la fiabilité du système de vote électronique. Actes pour lesquels l’ex-président a été condamné à 8 années d’inéligibilité en août 2023.
L’opération de police d’envergure de ce jeudi illustre à quel point l’étau judiciaire se resserre autour du clan Bolsonaro. L’ex-président et certains de ses proches sont concernés par plusieurs affaires de corruption depuis 2021 et la justice brésilienne (avec à sa tête Alexandre de Moraes, ennemi de longue date de Bolsonaro) semble décidée à aller au bout de ces procédures.
La semaine dernière déjà, le domicile de Carlos Bolsonaro, fils de l’ex-président, avait été perquisitionné par la police fédérale. Carlos Bolsonaro est soupçonné d’avoir utilisé l’Abin (agence de renseignement du Brésil) pour espionner illégalement les adversaires politiques de Jair Bolsonaro. L’Abin aurait également été sollicitée pour récupérer des informations sur les enquêtes menées à l’encontre du clan Bolsonaro.
L’enquête de la police fédérale cherche aussi à déterminer la responsabilité de Jair Bolsonaro dans l’attaque de la Place des Trois Pouvoirs à Brasilia le 8 janvier 2023, qui avait profondément choqué le pays.
Le 8 janvier dernier, le président Lula et les représentants des pouvoirs judiciaire et législatif étaient réunis sur la place des Trois Pouvoirs pour célébrer la rénovation des lieux et la résilience de la démocratie brésilienne. Un an après l’attaque des pro-bolsonaristes, plus de 1.500 personnes ont été arrêtées, dont 400 sont actuellement emprisonnées. De lourdes peines ont été prononcées à l’égard des principaux protagonistes de cette attaque mais les militaires qui avaient pris part à cette attaque ont plutôt été épargnés par Lula et la justice. Une clémence qui tient au rôle important que joue l’armée dans la politique brésilienne.
Selon un sondage de Datafolha réalisé en avril 2023, 58% des brésiliens tenaient Jair Bolsonaro pour responsable de l’attaque du 8 janvier 2023 contre les institutions de l’Etat brésilien. Ces événements ont en effet convaincu une partie des électeurs modérés de droite de ne plus soutenir Bolsonaro, malgré leur rejet des politiques de Lula. La droite brésilienne se retrouve aujourd’hui obligée de recentrer sa position pour rester crédible. Toutefois, une partie des brésiliens, l’aile la plus à droite, continue à croire que Jair Bolsonaro est la victime d’un Etat profond. L’ex-président affirme qu’il est victime d’une persécution judiciaire.
Avec les différentes enquêtes qui visent l’ex-président et l’attaque du 8 janvier, la situation de Jair Bolsonaro fait écho à celle de Donald Trump aux Etats-Unis. Toutefois la justice brésilienne semble avoir été plus réactive que la justice américaine pour ouvrir des enquêtes et prononcer de premières condamnations qui ont affaibli le camp Bolsonaro.
Si Jair Bolsonaro a vu sa crédibilité s’éroder depuis la victoire de Lula, l’opinion publique reste profondément divisée au Brésil. Malgré le rebond plus important que prévu de l’économie brésilienne (+3% en 2023), Lula n’a pas vu sa popularité augmenter depuis son élection. Pour la droite brésilienne, Lula ne fait que récolter les fruits des politiques économiques de Bolsonaro. Un an après les événements de Brasilia, Lula n’a pour l’instant pas réussi son pari (ambitieux) de rassembler les brésiliens et de gouverner pour tous. Le président, un temps emprisonné pour corruption, fait toujours l’objet d’un rejet massif de la part de la droite. De plus, il ne dispose pas d’une majorité au Congrès et doit faire de nombreuses concessions pour passer ses réformes, quitte à s’exposer parfois aux critiques de son propre camp.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
Le projet de méga-réforme pour déréguler l’économie porté par Javier Milei a été rejeté par le Congrès ce mardi. Ce sont notamment les gouverneurs de province qui ont refusé de voter le texte. Ils réclament une meilleure répartition des recettes fiscales entre l’Etat central et les provinces. Le gouvernement pourrait décliner cette réforme en plusieurs projet de lois afin de la faire voter. (Le Monde)
Bolivie 🇧🇴
L’agence de notation Fitch a abaissé la note de la Bolivie de “B-” à “CCC” et a alerté sur la situation économique en Bolivie qui souffre d’un manque de réserves en dollars et du développement de marchés parallèles pour obtenir des dollars. (Asuntos Centrales)
Brésil 🇧🇷
Dans une lettre adressée au Congrès avant l’ouverture de la session parlementaire, le président Lula affirme que le pays pourrait connaître une croissance de 2% en 2024 et que l’objectif d’une inflation à 3% serait atteint avant la fin de l’année. (Reuters)
Selon la Confédération Nationale du Commerce (CNC), la saison du Carnaval qui début ce weekend au Brésil, pourrait générer jusqu’à 9 milliards de reais (1,8 milliard USD) grâce aux revenus du tourisme, du logement et de la restauration, entre autres. Un chiffre qui représenterait une augmentation de 10% par rapport à l’année 2023. (Agencia Brasil)
Chili 🇨🇱
Plusieurs incendies immenses ont fait d’importants dégâts dans la région de Valparaiso depuis le weekend dernier. Si la situation semblait enfin sous contrôle ce jeudi matin, les incendies ont fait au moins 120 morts, des centaines de disparus et ont réduits en cendres des quartiers entiers à Viña del Mar, Quilpué et Villa Alemana. Un état d’urgence et deux jours de deuil ont été prononcés par le président Gabriel Boric. (CNN)
L’ancien président Sebastian Piñera (2010-2014 et 2018-2022) est décédé ce mardi dans un accident d’hélicoptère au sud du Chili. Alors qu’il pilotait lui-même son hélicoptère, celui-ci a chuté brusquement dans un lac peu après le décollage. (Le Monde)
Colombie 🇨🇴
Le gouvernement de Gustavo Petro et l’ELN (principal groupe rebelle armé du pays) se sont accordés sur une prolongation du cessez-le-feu pour 180 jours supplémentaires. Le président espère pouvoir passer un accord de paix avec l’ELN dans les prochains mois. (Le Figaro)
L’inflation annuelle s’est élevée à 8,35% en janvier, 4,9 points de moins qu’en décembre et le niveau le plus bas depuis la pandémie du Covid-19. (El Economista)
Equateur 🇪🇨
Après une enquête de plus de deux ans menée par les autorités équatoriennes et espagnoles, les deux pays ont arrêté une trentaine de membres d’une organisation criminelle liée au trafic de drogue entre l’Equateur et l’Espagne et pilotée par la mafia albanaise. L’organisation transportait de la cocaïne depuis Valle del Cauca en Colombie, passait par Tulcan en Equateur et était acheminée jusqu’à certains ports européens, parfois dans des conteneurs de bananes. (RFI)
Mexique 🇲🇽
Selon des données officielles publiées ce mercredi par les autorités américaines, le Mexique est passé en 2023 devant la Chine en tant que principal fournisseur des Etats-Unis, ce pour la première fois depuis 2002. Les exportations mexicaines vers son voisin ont atteint 475,6 milliards de dollars, soit un bond de 4,6% par rapport à 2022. Pendant ce temps, la Chine a vendu 20% de moins aux États-Unis en 2023 par rapport à l'année précédente. (El País)
Venezuela 🇻🇪
Invitée à s’exprimer au Congrès américain, la figure de l’opposition vénézuélienne Maria Corina Machado a affirmé que le régime de Nicolas Maduro était plus que jamais dans une position de faiblesse et que l’opportunité d’une transition démocratique devait être saisie. Selon un sondage de Meganalisis, l’opposition serait largement favorite pour remporter une élection face à Maduro. (Miami Herald)