Brésil : un second tour sous haute tension
A l'approche d'un scrutin décisif, les attaques du camp Bolsonaro sur la démocratie brésilienne se sont multipliées.
A la veille du second tour de l’élection présidentielle, Lula reste favori pour l’emporter, ce malgré une légère remontée de Jair Bolsonaro dans les sondages ces dernières semaines. L’ex-president est crédité de 48 à 50% des votes contre 43 à 45% pour Jair Bolsonaro ; même si les instituts de sondage sont désormais très prudents après le raté du premier tour.
Ces dernières semaines, la campagne a vu se renforcer l’affrontement entre les deux camps. Si Lula a joué la carte de la confiance, Jair Bolsonaro et ses proches se sont montrés d’avantage agressifs en continuant à répandre des soupçons de fraude électorale. Flávio Bolsonaro, le fils du président a récemment affirmé que son père était victime de “la plus grande fraude électorale jamais vue”. Le camp Bolsonaro a multiplié les déclarations dans ce sens ces derniers jours. Lundi dernier, le ministre des Communications Fábio Faria est même allé jusqu’à organiser une conférence de presse pour dénoncer, sans fournir de preuves, ce qu’il a qualifié de “graves violations du système électoral” : selon lui, les radios locales du Nordeste n’ont pas respecté le principe de neutralité, en diffusant massivement des publicités en faveur de Lula.
Mercredi, Alexandre de Moraes, le président du Tribunal suprême électoral (TSE), a rejeté la requête du camp Bolsonaro qui demandait que la prétendue irrégularité fasse l’objet d’une enquête. Moraes, adversaire de longue date de Jair Bolsonaro, a estimé que ces allégations étaient non fondées et a mis en garde les différents protagonistes contre les tentatives de perturbations des élections. Le fils du président a cependant persisté en affirmant que le processus électoral était déséquilibré en faveur de Lula. Et Jair Bolsonaro a lui-même déclaré mercredi soir qu'il souhaitait porter cette affaire devant la Cour Suprême du Brésil.
Le discours du clan Bolsonaro alimente les craintes que l’ex-président refuse de reconnaître sa défaite. Un scénario probable selon certains observateurs, d’autant plus si les résultats sont serrés. Dans ce cas, Jair Bolsonaro pourrait appeler ses militants à descendre dans la rue pour contester les résultats, comme l’a fait Donald Trump aux Etats-Unis en janvier 2021.
Ces inquiétudes ont été renforcées dimanche dernier après les débordements liés à l'arrestation de Roberto Jefferson, ancien parlementaire et soutien de Jair Bolsonaro. La police était intervenue à son domicile dans la ville de Levy Gasparian (État de Rio de Janeiro) après qu'une peine de prison ait été prononcé à son encontre pour avoir enfreint son assignation à résidence. L'ancien parlementaire a refusé de se rendre, a tiré sur des véhicules de police et a même lancé une grenade, faisant deux blessés parmi les forces de l'ordre, avant d'être finalement arrêté dans la soirée.
Le président Jair Bolsonaro a condamné l'usage de la force armée par Roberto Jefferson, estimant que “toute personne qui tire sur un policier doit être traitée comme un brigand”. L'affaire a révélé l'inconfort du camp Bolsonaro, à la fois vent debout contre les juges mais soucieux de représenter l'ordre et de défendre la police dans le pays. Même si le président a tenu à prendre ses distances avec Roberto Jefferson, la violence des faits lui à certainement porté préjudice, une semaine avant le scrutin du second tour.
De son côté, Lula s'est employé à s'afficher comme le seul défenseur de la démocratie au Brésil, indiquant que cette élection était “un affrontement entre la démocratie et le fascisme”. L'ancien président a critiqué à plusieurs reprises le bilan de Jair Bolsonaro et notamment sa gestion irresponsable de la crise du Covid-19. Depuis le premier tour des élections présidentielles, Lula a pu bénéficier du soutien de certaines figures politiques “modérées” qui ont exprimé leurs inquiétudes quant à une possible victoire de Jair Bolsonaro.
Ce dimanche, le rôle des différentes institutions au Brésil sera particulièrement scruté. Lors du vote du premier tour, Jair Bolsonaro avait réussi à obtenir de l'armée une enquête sur de possibles irrégularités, refusant de reconnaître la légitimité du TSE. Selon plusieurs médias brésiliens, cette enquête n'a rien donné. Cependant l'armée a refusé de communiquer publiquement ses conclusions, alimentant ainsi les doutes sur le comportement de cette institution lors du second tour. Le rôle de la police sera également surveillé. En grande partie favorables à Jair Bolsonaro, les forces de l'ordre auront une responsabilité à tenir si des manifestations éclatent le soir du second tour.
Beaucoup d'analystes politiques du Brésil s'inquiètent d'une possible crise institutionnelle à venir au Brésil. Le camp de Jair Bolsonaro est bien implanté dans le pays et dans les institutions (son partie devrait avoir la majorité dans les deux chambres législatives). Même si Lula gagne avec une avance confortable, il pourrait faire face à un Congrès hostile et qui pourrait multiplier les attaques contre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, rendant ainsi ingouvernable le ainsi de gouverner et multipliant les attaques contre le pouvoir judiciaire.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
L’agence de notation Fitch a abaissé ce jeudi 26 octobre la note de l’Argentine de CCC à CCC-. L’agence américaine a souligné les profonds déséquilibres macroéconomiques qui caractérisent l’Argentine et une capacité de remboursement des dettes qui s’amenuise.
Malgré les conditions favorables de l’accord passé avec le FMI, le gouvernement argentin n’arrive pas à maitriser l’inflation, qui devrait atteindre environ 100% sur l’année 2022. L’agence Fitch remarque une relative stabilisation de la situation économique ces deux derniers mois mais souligne aussi que le pays reste exposé aux risques externes. Les inquiétudes demeurent pour 2023, année d’élections présidentielles en Argentine. L’agence Fitch estime que le risque d’un défaut ou d’une nouvelle restructuration de la dette est certes faible mais n’est pas exclu.
“Profundos desbalances”: Fitch Ratings bajó la nota para la Argentina
La Nacion, 26 octobre 2022
Colombie 🇨🇴
Comme évoqué lors de sa campagne, Gustavo Petro a suspendu l’attribution de nouveaux contrats d’exploration pétrolière et les acteurs de la filière semblent déjà s'adapter à cette nouvelle doctrine. La compagnie publique Ecopetrol a ainsi abandonné plusieurs projets pilotes d’exploitation (via fracking) et certaines entreprises privées redirigent leurs investissements vers d’autres pays (notamment en Equateur).
L’Association pétrolière colombienne estime que les réformes prévues par Gustavo Petro pourraient provoquer une baisse de 30% des investissements dans le secteur, alors que le pétrole représente la principale source de revenus pour l’Etat colombien. Un scénario qui semble déjà se répercuter sur l’activité économique du pays puisque le peso colombien a perdu 20% de sa valeur par rapport au dollar depuis l’élection de Gustavo Petro.
As the World Backpedals on Ditching Fossil Fuels, One Oil Major Plows Ahead
Bloomberg, 26 octobre 2022
Nicaragua 🇳🇮
Joe Biden a signé ce lundi 24 octobre un décret imposant des restrictions sur l’achat d’or provenant du Nicaragua. Le président américain vise ainsi à mettre la pression sur le régime autoritaire de Daniel Ortega, le président du Nicaragua.
Le décret prévoit également des restrictions sur les investissements américains au Nicaragua ainsi que le retrait de visas américains pour environ 500 proches du gouvernement du Nicaragua.
Biden targets Nicaragua's gold industry in a new move against Daniel Ortega
NPR, 24 octobre 2022