Chili : vers un échec du processus constitutionnel
Le deuxième projet de Constitution pourrait être rejeté dans les urnes ce dimanche.
En Bref
Les Chiliens sont appelés à se prononcer sur un projet de nouvelle Constitution ce dimanche.
La droite s’est accaparé le processus constitutionnel et propose un texte conservateur.
Depuis deux ans, ce processus constitutionnel divise et paralyse la vie politique chilienne.
Les Chiliens s’apprêtent à s’exprimer lors d’un référendum ce dimanche 17 décembre en faveur ou contre un projet de nouvelle Constitution. C’est la deuxième fois en un peu plus d’un an qu’un référendum a lieu pour adopter une nouvelle Constitution.
Suite aux manifestations de 2019, très violemment réprimées par la police, les forces politiques du pays ont enclenché un processus de révision constitutionnelle. L’actuelle Constitution, instaurée en 1980 par la dictature de Pinochet et qui a façonné le développement économique du Chili depuis le retour à la démocratie, est aujourd’hui jugée trop libérale par une grande partie des Chiliens et notamment la jeunesse. Les structures politiques, économiques et sociales imposées par cette Constitution de 1980 ne répondent pas aux exigences actuelles et notamment lutter efficacement contre des inégalités structurelles.
Depuis l’amorce d’un projet de nouvelle Constitution, la gauche a revendiqué la rédaction d’un texte qui assure un rééquilibrage des institutions du Chili, plus inclusives et protectrices des classes les plus modestes et des minorités. Ce projet a été au coeur de la campagne de Gabriel Boric, élu président en décembre 2021. Toutefois, le texte (établi par une convention constitutionnelle composée de personnalités de gauche) a finalement été perçu comme trop radical pour une majorité des Chiliens qui l’ont rejeté à 62% en septembre 2022.
Après l’échec du premier projet, le président Boric avait recentré son gouvernement et proposé un nouveau processus qui prenne davantage en compte la diversité politique du Chili. Dans une approche plus démocratique, les membres du conseil constitutionnel, chargé de rédiger un nouveau texte, devaient être élus lors d’un vote le 8 mai 2023. Lors de ce suffrage, c’est l’opposition de droite qui a remporté la majorité et qui a donc eu l’initiative de rédiger la nouvelle Constitution.
Ce nouveau projet de Constitution sera donc soumis à référendum ce 17 décembre et le texte a de grandes chances d’être rejeté car il est le fruit des mêmes erreurs que le précédent : le processus constitutionnel a été accaparé par un seul bord politique, qui n’a pas souhaité intégrer les propositions des autres camps. Ainsi, pour beaucoup ce nouveau texte est encore plus conservateur que la Constitution de 1980. Le texte représente en effet un status quo et même parfois un recul notamment sur les thématiques sociales, le droit à l’avortement et l’égalité hommes-femmes. Il verrouille également toute possibilité de réforme du système des retraites, aujourd’hui chasse gardée du secteur privé.
Si bien qu’il y a peu de chances pour que ce texte soit adopté ce dimanche. Une situation dans laquelle l’opposition de droite est gagnante dans les deux cas : si ce nouveau texte est adopté, la droite aura fait passer sa Constitution et obtiendrait une victoire politique significative. Si celle-ci n’est pas adoptée, le Chili conserverait la Constitution de 1980, un texte que la droite n’a jamais voulu abandonner.
Pour Gabriel Boric et son gouvernement, il vaudrait mieux que ce projet de nouvelle Constitution soit rejeté ce dimanche. Le président a annoncé qu’il n’enclencherait pas de troisième processus constitutionnel en cas de victoire du “non” ce dimanche. Un tel scénario serait certes perçu comme un échec politique pour le président (et la gauche chilienne) mais il lui permettrait de tourner la page de cet épisode constitutionnel et de retrouver une certaine marge de manœuvre pour le reste de son mandat.
Au contraire, si le projet de nouvelle Constitution venait a être adopté, Gabriel Boric et son gouvernement seraient alors contraints d’engager toute une série de projets de loi pour appliquer les nouvelles dispositions de la Constitution, ce qui pourrait occuper le pouvoir législatif pendant plusieurs années et “plomber” la présidence de Boric.
Le rejet du premier projet de Constitution avait forcé Gabriel Boric a remanié son gouvernement seulement neuf mois après le début de son mandat. Un imprévu qui a fragilisé la coalition politique du président et qui l’a exposé à des critiques de la part de la gauche alors que la polarisation politique s’est exacerbée autour de ce processus constitutionnel. La révision de la Constitution a en quelque sorte paralysé l’avancée des réformes souhaitées par Gabriel Boric, d’autant plus que le président chilien ne dispose pas d’une majorité suffisante au Parlement.
Depuis deux ans, les affrontements politiques autour du processus constitutionnel semblent avoir alimenté le désintérêt et la méfiance des Chiliens envers une classe politique qui apparaît incapable de s’entendre pour le futur du pays. Une fois la page tournée, Gabriel Boric espère pouvoir faire avancer autrement les réformes demandées par les Chiliens ; cela pourrait passer par la formation d’un nouveau mouvement politique dans les premiers mois de 2024.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
Javier Milei a été investi en tant que nouveau président de l’Argentine ce dimanche 10 décembre. Il a affirmé qu’il n’y avait “pas d’alternative au choc”. (Latinsight)
Ce mardi, le nouveau ministre de l’économie Luis Caputo a détaillé les premières mesures économiques du gouvernement. Parmi elles, une dévaluation du peso argentin de 366 à 800 pesos pour un dollar, ainsi que de nombreuses réductions budgétaires. Le ministre a annoncé que la situation économique du pays devrait empirer dans les prochains mois avant de s’améliorer. (Reuters)
L’inflation mensuelle pourrait atteindre 12% en novembre selon un sondage réalisé par Reuters, contre 8,3% en octobre. (Reuters)
Brésil 🇧🇷
La banque brésilienne Inter prévoit que la croissance du Brésil atteigne 1,8% en 2024 et que le taux d’intérêt directeur (actuellement à 12,25%) soit abaissé jusqu’à 9% à la fin de l’année. (CNN Brasil)
Le ministre de l’énergie et des mines a annoncé que le Brésil allait reprendre ses importations d’électricité depuis le Venezuela, après une interruption de quatre années. Cette décision doit permettre une réduction des tarifs sur l’électricité dans l’état de Roraima, qui n’est actuellement pas connecté au réseau national. (Reuters)
Colombie 🇨🇴
Dans une interview accordée au Guardian, le président Gustavo Petro a réitéré son engagement à se désengager des hydrocarbures, malgré l’impact significatif sur l’économie. Le président a annoncé que la Colombie avait rejoint l’Alliance “Beyond Oil & Gas”, une coalition de pays souhaitant amorcer une réduction de la production d’hydrocarbures. (The Guardian)
Costa Rica 🇨🇷
L’économie du Costa Rica devrait connaître une croissance de son PIB de 5% en 2023. La deuxième meilleure performance sur les dix dernières années. L’économie du pays est particulièrement dynamisée par l’activité des zones franches du pays, l’investissement privé et la consommation des ménages. (La Républica)
Guatemala 🇬🇹
Washington a annoncé l’imposition de restrictions de visa pour 300 personnalités du Guatemala, accusés de menacer le processus démocratique dans le pays. La semaine dernière, la procureur général Consuelo Porras a demandé au Tribunal électoral d’annuler l’élection de Bernardo Arévalo. Une nouvelle tentative de la part du pouvoir judiciaire d’empêcher Arévalo d’accéder au pouvoir le 14 janvier prochain. Le Tribunal électoral suprême a réaffirmé la validité des résultats du scrutin présidentiel. (Associated Press)
Mexique 🇲🇽
L’agence de notation Fitch a rehaussé ses prévisions de croissance économique pour le Mexique, qu’elle estime désormais à 3,4% pour l’année 2023 et 2,4% pour 2024. Selon Fitch, le pays devrait continuer à tirer profit de ses fortes exportations vers les Etats-Unis et du phénomène de nearshoring. (El Economista)
Le gouvernement japonais prévoit en 2024 une augmentation des investissements économiques au Mexique (de 2.000 millions USD en 2023, à 3.000 ou 4.000 millions USD en 2024), à la faveur du développement des partenariats économiques entre les deux pays et notamment dans les secteurs pharmaceutique, des énergies renouvelables et des batteries au lithium. (America Economia)
Pérou 🇵🇪
Le ministre de l’économie Alex Contreras s’est dit confiant sur la possibilité du pays de sortir de la récession lors du premier trimestre 2024, affirmant que l’année 2023 avait permis de poser les bases pour un retour à une croissance estimée à 2% en 2024. (Infobae)
Venezuela 🇻🇪
Suite à une montée des tensions entre le Venezuela et le Guyana autour de la région de l’Essequibo, les dirigeants des deux pays ont accepté de se rencontrer ce jeudi 14 décembre à Saint-Vincent-et-Grenadines. Une rencontre à laquelle Lula, sera également présent en tant que médiateur. (France 24)