Argentine : le potentiel stratégique des terres rares

L'Argentine, sous la présidence de Javier Milei, est en train de redéfinir sa position géopolitique et économique, particulièrement dans le secteur des minéraux critiques. Une actualité "chaude" de ce début d'été austral est la signature récente d'un accord stratégique entre la France et l'Argentine. Les présidents Emmanuel Macron et Javier Milei ont discuté d'un potentiel accord bilatéral visant à renforcer la coopération sur les matières premières critiques, y compris les minéraux stratégiques. Cette alliance prend une dimension géopolitique significative, marquant l'intérêt croissant de la France pour les ressources minérales argentines dans un contexte mondial de compétition accrue. L'enjeu principal pour la France est de sécuriser son approvisionnement en métaux critiques essentiels pour sa transition énergétique et numérique, comme le lithium et le cuivre, mais aussi les terres rares.

L'Argentine et la France ont signé un accord de coopération sur les terres rares, un secteur au potentiel stratégique pour l'Argentine.

Le potentiel des terres rares en Argentine

Les terres rares (TR), ou éléments de terres rares (ETR), sont un groupe de 17 éléments chimiques aux propriétés uniques (magnétisme, conductivité, phosphorescence). Bien que découvertes à la fin du XIXe siècle, leur intérêt a explosé avec les applications technologiques modernes, des écrans numériques aux équipements militaires et aux aimants puissants essentiels pour les véhicules électriques et les systèmes de défense.

Le marché mondial des terres rares est marqué par la dominance quasi totale de la Chine, qui contrôle 99% de la capacité mondiale de traitement des terres rares et détient les plus grandes réserves (44 millions de tonnes). Cette situation a mené à des tensions géopolitiques, avec des restrictions à l'exportation chinoises et l'intérêt d'autres nations, comme les États-Unis qui ont également signé des accords pour les minéraux critiques.

Dans ce contexte, l'Argentine se positionne comme un acteur potentiel. Le président Javier Milei a publiquement évoqué les terres rares. Un rapport de 2022 du Service géologique et minier argentin (SEGEMAR) a identifié plus de 190 000 tonnes de ressources en ETR et un potentiel additionnel de 3,3 millions de tonnes. Ces minéralisations primaires sont principalement situées à Salta, Jujuy, San Luis et le sud de Santiago del Estero, avec des mentions additionnelles dans des zones de pegmatites à Valle Fértil (San Juan), des dépôts alluviaux à Córdoba (Río Calamuchita) et San Luis (La Carolina), des concentrations argileuses à Barker (Buenos Aires), et des croûtes ferromanganésiennes sur le plateau continental argentin. Historiquement, la seule production documentée d'ETR en Argentine a été de 1 010 kg de monazite entre 1954 et 1956. Les terres rares sont classées comme des "métaux de seconde catégorie" selon le code minier argentin.

Défis et Opportunités pour l'Argentine

Développer les ressources en terres rares représente une opportunité stratégique pour l'Argentine, mais c'est un défi technique et à long terme. La séparation des ETR de leur roche hôte et entre eux est complexe et coûteuse. Le marché mondial des ETR, bien que relativement petit (évalué à 12 milliards de dollars avant l'escalade géopolitique), est projeté à 20 milliards de dollars d'ici 2029 et 40 milliards d'ici 2040.

Il est crucial pour l'Argentine de ne pas détourner ses ressources et son attention d'autres minéraux critiques pour lesquels le pays a déjà une forte emprise, comme le lithium (l'Argentine est le 4ème producteur mondial avec 8% de la production globale en 2024 et 13% des réserves mondiales, et pourrait devenir le deuxième plus grand producteur) et le cuivre (avec au moins cinq projets de classe mondiale). Comparé au Brésil, deuxième détenteur de réserves mondiales de terres rares, le potentiel argentin dans ce domaine est considéré comme modeste.

Le gouvernement de Milei, en ouvrant davantage le pays aux capitaux étrangers et en mettant en place des réformes favorables aux entreprises internationales, cherche à diversifier ses partenaires économiques. En plus de la France, l'Argentine a signé des accords similaires avec les États-Unis et les Émirats arabes unis, se positionnant ainsi au centre d'une compétition mondiale pour l'accès à ses ressources naturelles stratégiques. La France, de son côté, vise à établir un partenariat durable en proposant non seulement des investissements (le gouvernement Macron prévoit d'investir 500 millions d'euros dans le cadre de son plan d'investissement 2030 pour renforcer la résilience industrielle) mais aussi un transfert de technologies et d'expertise dans l'exploitation et la transformation des métaux critiques.

Perspectives

Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, et la compétition entre superpuissances économiques comme les États-Unis et la Chine pour les ressources stratégiques, ont créé un contexte géopolitique en constante évolution. L'Argentine peut tirer parti de cette situation pour valoriser ses minéraux, face à une offre limitée et une demande croissante. Le partenariat renforcé avec la France, au-delà des minéraux, pourrait s'étendre aux énergies renouvelables et aux technologies vertes, influençant potentiellement les relations entre l'UE et le Mercosur.

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