L'Amérique latine face à la guerre Israël-Hamas
La guerre au Proche-Orient a suscité de nombreuses réactions en Amérique latine et a exacerbé les tensions entre la région et Israël.
En Bref
L’attaque terroriste du Hamas en Israël a suscité la consternation en Amérique latine même si certains chefs d’Etat ont été plus mesurés que d’autres.
Beaucoup condamnent aujourd’hui avec force la riposte israélienne quitte à rompre les relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.
Le Brésil qui a tenté d’incarner une voie d’équilibre au Conseil de sécurité de l’ONU a vu ses relations diplomatiques se dégrader avec Israël.
Plus d’un mois après l’attaque terroriste du Hamas en Israël, le conflit au Proche-Orient s’est immiscé dans le débat politique en Amérique latine. Les chefs d’Etat latino-américains se sont emparés de ce conflit alors qu’on déplorait au 11 octobre 12 morts et 25 disparus latino-américains.
Si traditionnellement la position de la plupart des pays latino-américains sur le conflit israélo-palestinien est celle aspirant à la reconnaissance de deux Etats, les réactions après les événements du 7 octobre ont révélé d’avantage de nuances.
Les gouvernements de droite (Equateur, Guatemala, Pérou, Paraguay, Costa Rica, Uruguay) ont globalement exprimé un soutien fort à Israël, tout en s’inquiétant d’une escalade de la violence (à l’exception du Salvador où Nayib Bukele à appelé à la destruction du Hamas). Certains leaders de gauche ont condamné les attaques terroristes du Hamas (Brésil, Chili, Argentine) mais parfois de façon tardive ou mesurée et sans forcément les qualifier de terroristes (Mexique, Bolivie). Les dirigeants du Nicaragua et du Venezuela ont quant à eux surtout condamné la politique colonialiste d’Israël en Palestine, conformément à leurs positions anti-impérialistes. Nicolas Maduro a dénoncé un “génocide” israélien à l’encontre des Palestiniens.
L’une des réactions les plus remarquées a été celle du président colombien Gustavo Petro qui a comparé dans un tweet du 9 octobre la situation de Gaza au camp de concentration d’Auschwitz, qualifiant de “néonazis” ceux qui voulaient la destruction du peuple palestinien et condamnant avec fermeté la politique colonialiste d’Israël en Palestine. Une position qui a entrainé de vives réactions de la part des chancelleries israélienne et américaine mais aussi de la part d’anciens ministres et intellectuels colombiens.
Le Brésil, qui présidait le Conseil de sécurité de l’ONU en octobre, à tenter d’incarner une voix d’équilibre. Le président Lula, qui souhaite s’afficher en tant que leader du “Sud global” a souhaité unifier les pays latino-américains autour de la condamnation des actes terroristes du Hamas et de la mise en place d’un cessez-le-feu. Cette position a donné lieu le 18 octobre à une résolution votée par la France mais rejetée par le véto américain.
Malgré les bonnes intentions du gouvernement brésilien, la riposte israélienne à Gaza a exacerbé les tensions entre plusieurs pays latino-américains et Israël. L’attitude de certains chefs d’Etat a évolué vers une condamnation ferme des frappes de l’Etat hébreu dans la bande de Gaza. La Bolivie a été le premier pays latino-américain à rompre ses relations diplomatiques avec l’Etat hébreu le 31 octobre alors que la Colombie, le Chili et le Honduras ont rappelé leurs ambassadeurs à Israël pour consultation. Le président Lula a également revu sa position et renvoie désormais dos à dos Israël et le Hamas, accusant le gouvernement de Netanyahu de “tuer des innocents sans aucun critère” à Gaza. Une position qui a suscité l’indignation parmi la communauté juive brésilienne.
Les relations entre le Brésil et Israël sont particulièrement tendues ces dernières semaines. Un groupe de 32 civils brésiliens présents à Gaza a été évacué vers l’Egypte ce dimanche. Lula a déploré la lenteur avec laquelle ces ressortissants brésiliens ont été évacués, alimentant ses critiques envers Israël. La semaine dernière, le Mossad (services de renseignement israéliens) affirmait avoir aidé le Brésil dans l’arrestation à Sao Paulo de deux personnes soupçonnées d’appartenir au Hezbollah et de préparer une attaque terroriste. Le communiqué du Mossad a été critiqué par le ministre de la justice brésilien, affirmant que le Brésil était un “pays souverain” et “qu’aucune force étrangère ne donnait d’ordre à la police fédérale brésilienne”.
Face à la résurgence du conflit au Proche-Orient, la région Amérique latine apparaît à nouveau divisée, à l’image des réactions à la guerre en Ukraine. Même si les alignements politiques ne sont pas les mêmes dans les deux situations, on retrouve chez de nombreux chefs d’Etat une aspiration à défendre les droits humains sans pour autant vouloir s’aligner sur les positions occidentales, moins critiques à l’égard d’Israël. Une position d’équilibriste qui est aussi dictée par des logiques internes et la présence de communautés palestiniennes (en particulier au Chili et au Brésil) et juives (surtout en Argentine et au Brésil) dans la région, qui donnent au conflit israélo-palestinien une résonance particulière.
Toutefois, certaines réactions comme celles de Gustavo Petro en Colombie et de Luis Arce en Bolivie sont allées plus loin et ont révélé les particularités qui existent entre les différents courants de gauche en Amérique latine. Souhaitant incarner la défense des palestiniens opprimés, les présidents colombien et bolivien ont adopté une position plus radicale qui pourrait nuire à leur capacité de rassembler en interne et à terme, les isoler sur la scène régionale.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
Une semaine avant le second tour de l’élection présidentielle, Sergio Massa et Javier Milei s’affrontaient lors d’un ultime débat télévisé ce dimanche, destiné à convaincre les votants indécis. Sergio Massa, l’actuel ministre de l’économie a semblé plus serein et calme que son adversaire et a réussi à l’attaquer sur la faisabilité de son programme. Néanmoins, Javier Milei s’est efforcé de répondre à ces attaques, confirmant qu’il prévoyait de dollariser l’économie et de supprimer la banque centrale. (France 24)
L’inflation en Argentine a atteint 142,7% en octobre en rythme annuel et 8,3% par rapport au mois de septembre. La hausse des prix pousse de plus en plus d’Argentins à se tourner vers des produits de seconde main, les produits neufs étant devenus inabordables. (Reuters)
Brésil 🇧🇷
Sur le mois d’octobre, l’inflation s’est établie à 0,24% par rapport à septembre et à 4,82% en rythme annuel, soit légèrement moins que prévu (4,87%). La baisse graduelle des prix au Brésil rapproche l’inflation de la cible fixée par la banque centrale et devrait l’inciter à réduire progressivement son taux directeur (11,25%) dans les prochains mois. (Bloomberg)
Alors que le pays s’apprête à prendre la présidence tournante du G20, le gouvernement devrait faire voter une réforme imposant une taxation minimum de 15% sur les revenus des multinationales, s’alignant ainsi sur les recommandations de l’OCDE afin de lutter contre l’évasion fiscale. (Reuters)
Chili 🇨🇱
L’entreprise de véhicules électriques Tesla semble vouloir s’implanter au Chili, l’un des pays qui dispose des plus grandes réserves de lithium au monde. L’entreprise d’Elon Musk s’est enregistrée au registre national du Chili et a initié un recrutement local. Il pourrait s’agir de la première filiale Tesla en Amérique du sud. (Yahoo)
Guatemala 🇬🇹
Dans un entretien donné à Bloomberg News, le président élu Bernardo Arevalo a dénoncé les tentatives de coup d’Etat du pouvoir judiciaire pour l’empêcher de gouverner à partir du 14 janvier. Il a notamment alerté sur la possibilité de sanctions économiques à l’encontre du Guatemala si la transition démocratique n’était pas respectée. Des sanctions qui pourraient aggraver la situation économique du pays. (Bloomberg Línea)
Mexique 🇲🇽
L’inflation continue de baisser au Mexique : elle s’est établie à 0,38% en octobre par rapport à septembre et à 4,26% en rythme annuel. Il s’agit du neuvième mois de baisse consécutive et le plus bas niveau depuis février 2021. (El País)
Panama 🇵🇦
Selon un sondage réalisé auprès de juristes de Reuters, la Cour suprême du Panama pourrait révoquer le contrat d’exploitation attribué à l’entreprise canadienne First Quantum. Les droits d’exploitation pour la mine de cuivre Cobre Panama avaient été attribué à First Quantum le 20 octobre dernier mais cette décision du président Cortizo a déclenché des manifestations de grande ampleur. Les revenus de cette mine représentent 5% du PIB du pays et 1% de la production mondiale de cuivre. Les juges de la Cour suprème doivent se prononcer dans les prochaines semaines. (Reuters)
Paraguay 🇵🇾
Alors que la banque centrale du Paraguay table sur une croissance économique de 4,5% sur l’année 2023, d’autres prévisions semblent plus optimistes. Banco Itaú estime ainsi que la croissance du Paraguay pourrait atteindre 5,6%, à la faveur d’un retour à la normal dans le secteur agricole, après un épisode de sécheresse. Le cabinet de conseil paraguayen Mentu prévoit une croissance de 6,2% en 2023, soulignant les bonnes performances des indicateurs macroéconomiques du pays. (MercoPress)
Le département de l’Agriculture américain a donné son approbation à l’importation de viande de boeuf du Paraguay. Le marché américain était fermé au boeuf paraguayen depuis 25 ans pour des raisons sanitaires. L’ouverture de ce marché constitue un “tournant historique” selon le président du Paraguay Santiago Peña. (MercoPress)
Pérou 🇵🇪
La banque centrale du Pérou a baissé son taux d’intérêt directeur de 7,25% à 7,00%. Cette baisse s’inscrit dans un contexte de diminution de l’inflation et dans une volonté de favoriser les crédits alors que le pays est en récession. (Nasdaq)
Venezuela 🇻🇪
La levée des sanctions économiques par l’administration américaine amène de plus en plus d’entreprises étrangères à revenir au Venezuela. Alors que les conflits en Ukraine et au Proche-Orient ont redonné un intérêt au potentiel énergétique du Venezuela, de nombreuses entreprises peuvent à nouveau faire affaire avec l’entreprise publique PDVSA. Même si la productivité de PDVSA reste très faible, des premiers contrats comme celui qui devrait être passer avec PetroChina (265.50 barrils par jour) pourraient relancer la principale industrie du pays et conforter Nicolas Maduro à la tête de l’Etat. (The Economist)