Salvador : réélection assurée pour Nayib Bukele
Grâce à une politique sécuritaire ultra-répressive, le président du Salvador dispose d'une popularité record.
En Bref
Nayib Bukele devrait remporter haut la main l’élection présidentielle de ce dimanche 4 février
Le président bénéficie d’une popularité record dans le pays grâce aux résultats de la politique répressive contre l’insécurité
Il est cependant accusé de ne pas respecter les droits de l’homme et d’avoir concentré tous les pouvoirs
En l’espace de cinq ans, le président Bukele a transformé le Salvador. Le pays de 6,3 millions d’habitants, qui était l’un des plus dangereux d’Amérique latine affiche aujourd’hui un taux d’homicide parmi les plus bas de la région. La popularité du président est telle qu’il est assuré d’être réélu ce dimanche lors des élections présidentielles.
Le président de 42 ans bénéficie en effet d’une popularité record avec 91% d’opinions favorables, un score jamais vu dans la région. Sa réélection ce dimanche ne fait donc pas l’ombre d’un doute. L’opposition a grande peine à se faire entendre tant le bilan de Bukele sur la sécurité est implacable. En 2015, le pays connaissait un taux d’homicide de 106 pour 100.000 habitants, faisant du petit pays d’Amérique centrale l’un des plus dangereux de la région. Plusieurs gangs avaient pris le contrôle de différentes villes et territoires, “abandonnés” par l’Etat et le sentiment d’insécurité caractérisait le quotidien de nombreuses personnes.
Depuis le lancement par Nayib Bukele du “Plan Control Territorial” en 2019, la criminalité à chuté considérablement au Salvador, atteignant un taux de 2,2 homicides pour 100.000 habitants en juillet 2023, soit le niveau le plus bas depuis les années 1990 et faisant du Salvador “le pays le plus sûr du continent américain” selon le président.
Cette chute de la criminalité au Salvador est le résultat d’une politique ultra-répressive en matière de sécurité. Le plan de Nayib Bukele a consisté à déclarer un état d’urgence et étendre les prérogatives des forces de l’ordre, qui peuvent arrêter n’importe qui sans mandat et en se basant sur de simples suspicions. Les personnes arrêtées peuvent être mises en détention sans accusation et le gouvernement peut accéder facilement aux communications privées des Salvadoriens.
L’extension des pouvoirs de la police salvadorienne était justifiée par Bukele par l’adoption d’une politique “tolérance zéro” vis-à-vis du crime organisé. Beaucoup de personnes, affiliés de près ou de loin à des gangs, ont ainsi été emprisonnées ces cinq dernières années. A tel point que plus de 2% de la population masculine du pays est aujourd’hui derrière les barreaux.
La politique sécuritaire répressive de Bukele est critiquée pour son non-respect des droits de l’homme. Le président est également pointé du doigt pour avoir concentré les pouvoirs en prolongeant l’état d’urgence et en plaçant des sympathisants à des postes clés et notamment à la Cour suprême. Les contre-pouvoirs ont ainsi disparu au Salvador. Les dérives autoritaires du président se sont un peu plus confirmées en 2021 lorsqu’il a obtenu de la Cour suprême l’autorisation de se présenter à sa propre réélection alors que la Constitution interdit d’exercer deux mandats consécutifs. Le gouvernement de Bukele a également fait pression sur des journalistes et ONGs et certains de ses proches ont fait l’objet de sanctions américaines pour corruption.
Ironisant sur ses critiques, Nayib Bukele se présente parfois comme le “dictateur le plus cool du monde”. Le président, très présent sur les réseaux sociaux, cultive une image moderne, un personnage décontracté, qui ne se prend pas toujours au sérieux mais qui a démontré qu’il pouvait faire preuve d’autorité face à l’insécurité. Le bilan de Nayib Bukele sur l’insécurité constitue une satisfaction pour la plupart des Salvadoriens qui disent avoir retrouvé une vie “normale” depuis la baisse de l’insécurité.
Toutefois, sur d’autres aspects le bilan de Bukele n’est pas aussi flatteur. Les performances de l’économie du Salvador n’ont pas été assez bonnes durant ces cinq dernières années, alors que le pays a connu une inflation importante et que l’extrême pauvreté a progressé.
En septembre 2021, Nayib Bukele faisait la une des médias internationaux pour avoir adopté le Bitcoin comme monnaie légale. Deux ans et demi plus tard, cette stratégie ne semble pas avoir été payante. L’Etat salvadorien s’est fortement endetté pour acheter des Bitcoins, mettre en place un système de portefeuille électronique et un réseau de bornes d’échange. Des technologies qui n’ont pas été adoptées par la majorité des Salvadoriens puisque seuls 24% d’entre eux ont déjà effectué un paiement en Bitcoin depuis 2021. Toutefois, le président persiste et a dévoilé des plans pour créer une “ville Bitcoin” ; un projet qui ne semble pas convaincre la population. Pour renflouer les caisses, le gouvernement de Bukele a récemment annoncé vouloir offrir la nationalité salvadorienne à toute personne investissant 1 million de dollars dans le Bitcoin au Salvador.
Malgré ces critiques, Bukele a le soutien de quasiment tous les Salvadoriens. Son approche pragmatique vis-à-vis de l’insécurité à eu un impact concret et rapide sur le quotidien des Salvadoriens et à fortement discrédité la classe politique traditionnelle qui gouvernait le pays avant lui. À tel point que la politique de Bukele inspire d’autres chefs d’Etat dans la région comme Xiomara Castro au Honduras, Daniel Noboa en Equateur et même Javier Milei en Argentine. De plus en plus de leaders de la région voient en effet dans cette stratégie l’opportunité d’obtenir des résultats rapides dans la lutte contre l’insécurité et de s’assurer une certaine popularité dans les urnes.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
Face à une importante contestation, le gouvernement de Javier Milei a été contraint de reculer sur son projet de loi “omnibus”, un ensemble de réformes visant à déréguler l’économie. Sur plus de 600 articles à l’origine, le gouvernement en a retiré quasiment la moitié (et notamment tout le volet fiscal) en espérant que le texte puisse désormais être voté par certains membres de l’opposition. (InfoBae)
Le FMI a annoncé qu’il repoussait de deux mois la dernière révision du prêt de 44 milliards de dollars contracté par l’Argentine en 2018. Initialement prévue en septembre, cette échéance est désormais fixée au mois de novembre. La décision donne une marge de manœuvre supplémentaire au gouvernement de Javier Milei. (Zone Bourse)
Brésil 🇧🇷
Depuis son retour au pouvoir, Lula à remis au gout du jour une approche interventionniste dans l’économie brésilienne. D’importantes dépenses ont été concédées en 2023, provoquant une forte augmentation du déficit budgétaire. Une situation qui pourrait refroidir les investisseurs et fragiliser l’équilibre financier du pays. (Latinsight)
La compagnie aérienne Gol a été autorisée à emprunter 350 millions de dollars pour la première étape d’un plan de redressement, qui pourrait s’élever à 950 millions de dollars au total. (Reuters)
Chili 🇨🇱
Le Chili est proche d’abandonner totalement l’exploitation de charbon au profit des énergies renouvelables. Récemment, l’entreprise française Engie a annoncé qu’elle remplacerait ses centrales à charbon par de l’électricité renouvelable. (Le Figaro)
Colombie 🇨🇴
La croissance du PIB colombien devrait poursuivre sa décélération jusqu’à mi 2024, avant de connaître une reprise graduelle, selon les estimations de BBVA Research. Le rebond attendu de la consommation des ménages ainsi que du secteur de la construction (en crise ces derniers mois) sera décisif pour la croissance économique du pays en 2024, estimée par BBVA entre 1,2% et 1,5%. (Vanguardia)
Mexique 🇲🇽
Avant les élections présidentielles du 2 juin, la candidate du parti présidentiel Claudia Sheinbaum dispose d’une avance confortable dans les sondages, avec 16 points d’avance sur sa rivale Xochitl Galvez, sénatrice de droite. Toutefois, la dynamique actuelle est plutôt favorable à la deuxième candidate. Le Mexique est quasiment assuré de voir pour la première fois de son histoire une femme devenir présidente. (Reuters)
Le PIB du Mexique a connu une croissance de 0,1% sur le dernier trimestre 2024, un niveau plus bas qu’espéré par le gouvernement (0,4%). L’activité du secteur agriculture et pèche s’est contracté et celle du secteur manufacturier a été nulle. (Forbes)
Panama 🇵🇦
Face à la sécheresse qui perturbe l’activité au Canal de Panama et l’abandon du projet minier géant de Cobre Panama, le pays voit ses recette fiscales diminuer significativement. Le PIB devrait connaître une croissance de 2% en 2024 contre 7% en 2023 selon la CAF (Banque de développement d’Amérique latine). Le gouvernement reste confiant sur sa capacité à maintenir le déficit fiscal sous la barre des 3% cette année. (Panama América)
Pérou 🇵🇪
La croissance du PIB du Pérou pourrait atteindre 1,9% sur le premier semestre 2024 selon la Chambre de commerce de Lima. Marquée par une crise politique et l’impact du phénomène météorologique El Niño sur l’agriculture, le PIB péruvien s’est contracté à -0,5% en 2023. L’activité économique dans les commerces et les services devrait rebondir dans les prochains mois et initier une relance de la croissance péruvienne. (InfoBae)
Venezuela 🇻🇪
La Cour suprême du Venezuela a confirmé l’inéligibilité de Maria Corina Machado pour quinze ans. La principale figure de l’opposition est ainsi écartée des élections présidentielles à venir par le régime de Nicolas Maduro qui avance des “irrégularités administratives” et une accusation de “trahison”. Maria Corina Machado a rejeté cette décision et compte toujours participer à l’élection dont la date n’est pas encore fixée. (Libération)
Suite à cette décision, l’administration américaine à annoncé qu’elle allait réimposer certaines sanctions, alors qu’elles avaient été levées ces derniers mois. Selon un accord de principe entre Washington et Caracas, la levée des sanctions était conditionnée à l’organisation d’élections démocratiques en 2024. (AP News)
Région 🌎
Le président français Emmanuel Macron a demandé à la Commission européenne de suspendre les négociations avec le Mercosur en vue d’un accord de libre-échange entre les deux blocs. Le gouvernement français fait face à un important mouvement de protestations des agriculteurs dont l’une des revendications est l’abandon de ce traité commercial. Pour le président français, l’accord ne peut être conclu tant que les agriculteurs sud-américains ne sont pas soumis aux mêmes règles environnementales que les agriculteurs européens. (Bloomberg)