Les dérives autoritaires de Nayib Bukele
Le président du Salvador Nayib Bukele a déclaré jeudi dernier vouloir briguer un second mandat, contrairement à ce que prévoit la Constitution.
Le président du Salvador Nayib Bukele a déclaré jeudi dernier vouloir briguer un second mandat lors des élections présidentielles de 2024, contrairement à ce que prévoit la Constitution. Un scénario qui confirme les soupçons d’autoritarisme qui pesaient sur le président de 41 ans.
Lors d’une interview télévisée à l’occasion de la fête de l’indépendance du Salvador le 15 septembre, le président Bukele a justifié cette annonce en expliquant que son pays devait prendre exemple sur les pays développés où la réélection du chef de l’Etat est autorisée. Si la Constitution interdit la réélection, les juges de la Cour Suprême, proches de Nayib Bukele, avaient estimé en septembre 2021 que le président du pays pouvait servir deux mandats consécutifs. La décision avait provoqué l’inquiétude de la diplomatie américaine qui y voyait un déclin de la démocratie dans le pays.
La déclaration de Nayib Bukele vient renforcer les inquiétudes d’une dérive autoritaire au Salvador. Depuis son élection en 2019, celui qui avait été décrit comme un “président millénial” devait représenter une nouvelle ère au Salvador, rompant avec les élites et tourné vers la jeunesse. Mais sa pratique du pouvoir a depuis oscillé entre modernité et conservatisme ; et le régime imposé par le président est décrit comme “une sorte de paradis anti-impérialiste où les crypto-anarchistes coexistent avec les vieux marxistes.” par Ricardo Valencia.
Durant son mandat, Nayib Bukele a notamment fait l’objet de critiques pour son influence sur les institutions et sa politique ultra répressive en matière de sécurité. Lors des élections législatives de 2021, le parti de Nayib Bukele “Nuevas Ideas” avait remporté la majorité à l’Assemblée, permettant au président de destituer les juges de la Cour Suprême et d’en nommer d’autres, plus favorables à sa cause. Sa politique en matière de sécurité a été extrêmement répressive puisqu’il a fait arrêter pas moins de 50.000 personnes depuis le début de l’année, soupçonnées d’appartenir au gang des Maras, en réaction à une vague de violences en février qui avait fait 87 morts. Le président avait alors décrété un “état d’exception”, encore en vigueur aujourd’hui, permettant à la police de procéder à des arrestations sans mandat. Une situation dénoncée par différentes ONGs mais qui joue en faveur de la côte de popularité du président. En effet, 85% des Salvadoriens déclarent approuver la politique du président (sondage CID Gallup, août 2022).
Malgré cette popularité, l’instabilité économique règne au Salvador. Fortement touché par le Covid, le pays a aussi vu ses finances fragilisées depuis l’instauration du Bitcoin et la chute de son cours depuis un an. Une situation qui empêche le président Bukele d’obtenir un prêt de la part du FMI et de financer certaines réformes annoncées. Le risque d’un défaut de paiement des dettes du Salvador est de plus en plus présent.
Nayib Bukele demande donc de la patience aux Salvadoriens et justifie ainsi sa volonté d’être réélu en 2024. Rien ne semble pouvoir l’en empêcher puisque l’opposition a du mal à se faire entendre. Le président du Salvador se réfugie dans un discours anti-impérialiste, contestant les mises en garde de Washington et les sanctions prononcées à l’égard de certains membres de son entourage, accusés de corruption. Une position qui l’isole de plus en plus sur le plan international et qui pourrait le conforter dans sa volonté de s’accrocher au pouvoir.
Al buscar la reelección, Bukele recrea la vieja historia del caudillo latinoamericano
Washington Post, 19 septembre 2022
Autres liens :
Au Salvador, des arrestations massives pour lutter contre les gangs
RFI, 20 août 2022El Salvador Likely to Default Due to Bitcoin Adoption But President Bukele Isn’t Giving Up
Beincrypto, 17 septembre 2022
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
La visite de Sergio Massa à Washington a été une réussite pour le nouveau ministre de l’économie de l’Argentine. En mission auprès de différentes institutions financières, Sergio Massa a obtenu des financements supplémentaires de la part de la Banque interaméricaine de développement et a obtenu le soutien de la part du FMI et de Janet Yellen, la Secrétaire du Trésor américain.
Malgré la pression inflationniste en Argentine (l’inflation devrait atteindre 100% en 2022), Kristalina Georgieva, la directrice du FMI a souligné les efforts importants entrepris par Sergio Massa pour stabiliser l’économie. Certains objectifs fixés par le Fonds ont été respecté et le plan de remboursement de la dette reste pour l’instant inchangé.
Sergio Massa espère désormais que le pic de l’inflation soit passé en Argentine et que sa conduite de la politique économique pourra le rapprocher d’une candidature à la présidentielle en 2023.
Cash-strapped Argentina goes all or nothing on new economy chief
Buenos Aires Times, 15 septembre 2022
Brésil 🇧🇷
Selon les prévisions de S&P Global Commodity Insights, les exportations brésiliennes d’éthanol vers l’Europe devraient atteindre un montant record en 2022. Le Brésil devrait exporter jusqu’à 600 millions de litres d’éthanol en Europe sur l’année 2022, selon ces prévisions. Un volume qui dépasse de loin le précédent record de 477 millions de litres en 2010.
Cette augmentation est due à une forte demande européenne, où les prix des carburants traditionnels restent élevés, mais aussi à une baisse des prix de l’éthanol au Brésil. La filière se concentre donc en priorité sur le continent européen et les principaux pays consommateurs d’éthanol qui sont l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède.
Brazil to export record volume of ethanol to Europe this year
Reuters, 19 septembre 2022
Equateur 🇪🇨
Le gouvernement équatorien a conclu un accord auprès de plusieurs banques chinoises pour restructurer la dette du pays. La Banque de développement chinoise (CDB) et la Banque chinoise d’import-export (Eximbank) ont respectivement accordé des prêts de 1,4 et 1,8 milliard de dollars, permettant à l’Etat équatorien de repousser l’échéance des dettes à 2027 et 2032.
En contrepartie, la Chine, par l’intermédiaire de la compagnie pétrolière chinoise CNPC, a obtenu des garanties sur les livraisons de pétrole équatorien à long terme. L’accord devrait soulager l’économie équatorienne, fortement touchée par le Covid et la plongée des cours du pétrole. Le pays avait déjà obtenu un prêt du FMI de 6,5 milliards de dollars en 2020.
L'Équateur conclut un accord avec la Chine pour restructurer sa dette
ZoneBourse, 20 septembre 2022
Paraguay 🇵🇾
Le Paraguay et les Etats-Unis se sont engagés à développer leurs relations bilatérales dans le cadre d’un accord commercial et d’investissement entré en vigueur en 2021. Lors d’une rencontre diplomatique organisée à Washington la semaine dernière, les représentants des deux pays ont souligné l’importance de renforcer la coopération en termes de lutte contre la corruption ainsi que les liens commerciaux dans la filière agricole et technologique.
Les deux pays ont également affirmé leur volonté de revoir à la baisse les barrières tarifaires et non-tarifaires. Le Paraguay s’est engagé à faciliter les procédures d’attribution des marchés publics. De leur côté, les Etats-Unis devraient permettre d’ici 2023 l’importation de produits d’origine bovine provenant du Paraguay.
U.S., Paraguay discuss ways to deepen trade ties
Reuters, 17 septembre 2022
Uruguay 🇺🇾
L’économie uruguayenne a connu une croissance de 7,7% sur le second trimestre 2022, par rapport au second trimestre 2021, selon les données de la Banque centrale d’Uruguay. L’activité économique est principalement dynamisée par de bonnes récoltes dans la filière du soja et un retour à la normale dans de nombreux secteurs, suite à la crise sanitaire. Les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’immobilier, de la pêche et de l’exploitation minière affichent également une progression significative.
Sur la même période, les exportations ont connu une augmentation de 16,3% et les importations de 9,7% en volume. La consommation domestique a augmenté de 6,1% et les investissements de 3,9%.
En juin dernier, le gouvernement uruguayen a revu ses prévisions de croissance à la hausse pour 2022 : celle-ci pourrait atteindre 4,8%. En 2020, l’Uruguay avait connu une croissance négative (- 6%) pour la première fois depuis 17 ans, avant de rebondir à 4,4% en 2021.
Uruguay's economy grows 7.7% in second quarter of 2022
MercoPress, 17 septembre 2022