Argentine : la consommation d’engrais devrait bondir de 11 % en 2025
Portée par des intentions de semis en hausse pour le blé, l’orge et le maïs, et par des conditions hydriques favorables, l’Argentine s’apprête à connaître une nouvelle année de croissance pour l’usage des engrais. Les perspectives économiques plus prévisibles soutiennent également les investissements dans le secteur.
La consommation d’engrais devrait augmenter de 11% en 2025 en Argentine selon l’association Fertilizar
Selon l’association argentine Fertilizar, la consommation d’engrais dans le pays devrait progresser de 11 % en 2025, atteignant 5,2 millions de tonnes. Cette prévision marque une nette accélération par rapport à 2024, année déjà positive avec une hausse de 7 % (4,9 millions de tonnes). Bien qu’en deçà du record de 5,6 millions de tonnes enregistré en 2021, cette trajectoire confirme un retour durable vers une agriculture plus intensive et mieux dotée en intrants.
« Nous anticipons une augmentation de 10 à 11 % de l’usage des engrais, portée par les intentions de semis et les superficies dédiées aux principales cultures, en particulier dans le cadre d’une très bonne campagne pour le blé et l’orge », a déclaré Roberto Rotondaro, président de Fertilizar, dans un entretien accordé à Platts (S&P Global Commodity Insights).
Des cultures céréalières en tête de la demande
Le segment des cultures dites de "campagne fine" – notamment le blé et l’orge – tire cette dynamique, avec un ajout estimé de 400 000 à 500 000 hectares de surface cultivée en 2025. À cela s’ajoute le maïs, autre grand consommateur d’intrants. Ensemble, le blé et le maïs représentent à eux seuls 70 % des volumes d’engrais utilisés dans le pays.
L’urée reste le fertilisant dominant sur le marché argentin, accompagnée de phosphates tels que le MAP, le DAP et le SSP. Toutefois, des marges de progression importantes demeurent, notamment pour le soja, dont seule la moitié des 17 à 18 millions d’hectares cultivés est actuellement fertilisée.
Une utilisation encore sous-optimale
Les experts de Fertilizar soulignent que les niveaux actuels de consommation devraient constituer un minimum de référence, et non une cible en soi. Des freins subsistent : coûts de production fluctuants, incertitudes sur le retour sur investissement de la fertilisation, et habitudes culturales encore prudentes.
Par ailleurs, un diagnostic de l’association révèle que 60 % à 65 % des terres agricoles de la région de la Pampa présentent une carence moyenne à sévère en phosphore. « Il n’y a pas d’alternative : il faut augmenter les doses de phosphore ou revoir complètement les apports », avertit Rotondaro. Sur les 30 dernières années, le déséquilibre entre nutriments extraits et restitués représente une perte estimée à 30 milliards de dollars (valeur actuelle).
Un tissu industriel encore dépendant des importations
Seul un tiers des engrais utilisés en Argentine est produit localement, notamment de l’urée, du superphosphate simple et du thiosulfate d’ammonium. L’entreprise Profertil, basée à Bahía Blanca et détenue conjointement par Nutrien et YPF, domine le marché avec une production annuelle de 1 à 1,5 million de tonnes.
Les phosphates sont principalement fournis par Bunge (usine de Ramallo, Buenos Aires) et l’Asociación de Cooperativas Argentinas (usine de Santa Fe), pour un volume combiné d’environ 500 000 tonnes par an.
De nouveaux projets industriels sont en cours : Profertil envisage une expansion majeure à Bahía Blanca, tandis que Pampa Energía prévoit d’y construire une nouvelle usine d’engrais azotés. En parallèle, un projet de production de potassium refait surface, visant l’exploitation de gisements situés entre Mendoza et Neuquén.
Actuellement, près de la moitié des besoins nationaux en urée sont couverts par les importations (Égypte, Algérie, Nigeria). Le UAN provient majoritairement des États-Unis et de la Russie, tandis que les phosphates sont importés du Maroc, de Chine, des États-Unis et également de Russie.
Une stabilisation macroéconomique clé pour l’investissement
Enfin, Fertilizar estime que l’amélioration progressive de l’environnement macroéconomique argentin pourrait jouer un rôle décisif pour renforcer cette dynamique. Roberto Rotondaro insiste :
« Il est essentiel pour l’Argentine de maintenir cette trajectoire d’assainissement des comptes publics. Cela favorise la réduction des taxes, une meilleure prévisibilité et davantage d’agilité dans la planification des importations. »
La montée en puissance de la consommation d’engrais pourrait contribuer à renforcer durablement la productivité agricole argentine, tout en répondant aux enjeux de fertilité des sols. Mais pour cela, des investissements structurels restent nécessaires, tout comme une sensibilisation accrue des producteurs à l’importance stratégique des fertilisants dans la rentabilité des cultures.