En Chine, Lula cherche une alliance stratégique
En visite en Chine, le président brésilien souhaite renforcer ses liens diplomatiques et économiques avec Pékin tout en réaffirmant la position du Brésil sur la scène internationale.
Depuis sa réélection en octobre, Lula a souhaité réaffirmer le leadership régional du Brésil sur les enjeux politiques, environnementaux et commerciaux, mais aussi son rôle de représentant des pays du Sud sur la scène internationale. La visite officielle du président brésilien en Chine, du 11 au 15 avril, doit lui permettre d’asseoir un peu plus cette autorité.
La guerre en Ukraine est un des sujets qui sera abordé entre Lula et Xi Jinping. Sur ce point, les deux chefs d’Etat affichent une vision commune. Malgré les appels du pied de Washington et de l’Europe pour que le Brésil s’engage clairement en faveur de l’Ukraine, Lula n’a pas souhaité s’aligner sur cette position. Tout en condamnant l’agression russe, il défend une stratégie alternative de résolution du conflit qui consisterait à négocier un terrain d’entente entre les deux pays. Une position partagée par de nombreux pays du Sud ainsi que par la Chine. Cette solution est cependant controversée puisqu’elle insinue que l’Ukraine devrait accepter la perte d’une partie de son territoire pour obtenir un accord de paix. Après un contact récent avec Vladimir Poutine, la diplomatie brésilienne souhaiterait concrétiser cette initiative et l’appui de la Chine pourrait être déterminant.
Lula et Xi Jinping souhaitent également profiter de cette visite pour repenser les contours de l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), affaiblie par l’agression russe en Ukraine. Les deux dirigeants veulent renforcer cette initiative comme une alternative au modèle occidental et pourraient évoquer l’élargissement de ce groupe de pays, déjà mentionné à l’automne dernier. De plus, la visite de Lula est l’opportunité pour Pékin de montrer qu’après presque trois ans d’isolation due au Covid-19, le pays est prêt à reprendre un leadership parmi les pays en développement, avec à ses côtés le Brésil comme porte-parole du “Sud global”.
Depuis une vingtaine d’années, la Chine et le Brésil ont développé des relations commerciales significatives. La Chine est devenu le principal partenaire commercial du Brésil depuis 2009 et représente aujourd’hui 30% des exportations brésiliennes, principalement des matières premières et agricoles : minerai de fer, pétrole, soja, viande bovine et poulet). Là aussi les deux pays cherchent à diversifier leur coopération, notamment dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'énergie, de l'agriculture et des infrastructures. Une vingtaine d’accords commerciaux ont déjà été négociés en amont de la visite de Lula et le président brésilien, qui est accompagné d’une délégation de 200 chefs d’entreprises, pourrait également conclure la vente de 20 avions Embraer à une compagnie aérienne chinoise. De leur côté, les entreprises technologiques chinoises comme Huawei et ZTE s’intéressent de plus en plus au marché brésilien alors que leur accès aux marchés américain et européen est soumis à des sanctions ou d’importantes taxes. La relation entre Pékin et Brasilia pourrait aller encore plus loin si le Brésil venait à accepter d’intégrer l’initiative globale des “Nouvelles routes de la soie” de la Chine.
Le Brésil a une belle relation avec la Chine. Ensemble, nous faisons partie des BRICS. C'est notre principal partenaire commercial. Et nous allons essayer de vendre plus de choses que nous produisons pour eux. Renforçons cette relation.
Signe du rapprochement des deux pays, la Chine et le Brésil ont conclu un accord fin mars pour commercer dans leurs monnaies locales et non plus en dollars américains. Les échanges commerciaux se feront donc en reais ou en yuans. Une décision qui devrait faciliter le commerce entre les deux pays. La Chine a déjà signé des accords similaires avec la Russie, l’Arabie Saoudite et le Japon. Certains observateurs se demandent s’il ne s’agit pas d’un pas de plus vers la création d’une monnaie unique pour les pays membres des BRICS.
La visite de Lula à Pékin pourrait donc s’avérer décisive pour l’avenir des relations entre les deux pays mais aussi pour leur place sur la scène internationale. Le Brésil et la Chine ont l’opportunité de bâtir une alternative concrète au modèle occidental.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
La sécheresse en Argentine a fortement impacté les récoltes de soja, maïs et blé cette année. Une mauvaise nouvelle pour les finances du pays, dans un contexte déjà difficile. Les exportations de céréales et de soja s’élevaient à 43 milliards de dollars sur la saison 2021-2022. Selon les estimations, les mauvaises récoltes annoncées cette année pourraient représenter une perte de 20 milliards de dollars. (Buenos Aires Times)
L’Etat argentin s’est vu condamné à une compensation de 1,3 milliard d’euros par la justice britannique. Plusieurs fonds d’investissement demandaient des dommages et intérêts après que l’Etat argentin ait modifié en 2013 la façon dont il calculait le taux de croissance. Selon eux, ce changement avait permis à l’Argentine de dévaluer certaines obligations. L’Etat argentin va faire appel de cette décision. (Yahoo Finance)
Brésil 🇧🇷
L’indice des prix à la consommation a atteint 0,71% en mars au Brésil, contre 0,84% en février, soit le niveau le plus bas depuis janvier 2021. Cette baisse semble indiquer un début de décélération de l’inflation au Brésil même si de nouvelles taxes et hausses de prix ont vu le jour en mars sur les hydrocarbures et les tarifs des transports publics. (MercoPress)
Le constructeur aéronautique Embraer devrait renforcer sa collaboration avec le constructeur suédois Saab. Les deux entreprises se sont récemment engagées à développer leurs activités communes. Le Brésil pourrait ainsi acheter de nouveaux avions de combat “Gripen” et Embraer devrait épauler Saab pour développer ses activités en Amérique latine. (Aviacion Online)
Chili 🇨🇱
Le parlement chilien a approuvé ce mardi une loi réduisant la semaine de travail de 45 à 40h. La mesure s’appliquera de façon graduelle jusqu’en 2029 et devrait apporter d’avantage de flexibilité aux entreprises et à terme dynamiser le secteur des loisirs et de la culture. (El País)
La Banque centrale du Chili a revu à la hausse ses prévisions d’inflation pour 2023. L’institution prévoit désormais que l’inflation annualisée s’établisse à 4,6% en décembre 2023 contre 3,6% auparavant. Elle prévoit aussi que la croissance du PIB s’établisse entre -0,5% et 0,5%. (Infobae)
Après la mort de 3 policiers en un mois, le gouvernement de Gabriel Boric a adopté une loi controversée sur la sécurité qui permettra à la justice de mettre en détention préventive les étrangers sans papiers arrêtés par la police et qui confère aux policiers qui utilisent leurs armes une “présomption de légitime défense”. (RFI)
Colombie 🇨🇴
Après avoir rétabli des liens économiques et diplomatiques avec le Venezuela, le gouvernement colombien souhaite organiser un sommet régional sur la situation de son pays voisin. Le président Petro veut adopter une stratégie ouverte et graduelle avec le gouvernement de Nicolas Maduro pour assurer un retour à la démocratie. Cette initiative viendrait soutenir les discussions entre l’opposition vénézuélienne et le régime de Maduro au Mexique. Celles-ci pourraient aboutir à l’organisation d’élections démocratiques en 2024 au Venezuela en échange d’un allégement des sanctions économiques. (El Pais)
Mexique 🇲🇽
Les prix à la consommation ont connu leur hausse la plus faible depuis 17 mois au Mexique. Le taux d’inflation annualisé sur le mois de mars s’est établi à 6,85%. (Reuters)
l’Etat mexicain a acquis plusieurs usines de gaz naturel auprès de l’entreprise espagnole Iberdrola, pour une valeur de 6 milliards de dollars. L’accord décrit comme un “nouveau type de nationalisation” selon AMLO, va dans le sens de la politique énergétique volontariste du président et donne à l’entreprise nationale CFE une position dominante sur le secteur de l’énergie. L’accord fait craindre à certains observateurs que d’autres nationalisations de ce type aient lieu alors que le Mexique et les Etats-Unis sont toujours engagés dans une dispute commerciale sur l’ouverture du marché mexicain de l’énergie. (Bloomberg)
Pérou 🇵🇪
L’entreprise italienne Enel a cédé la totalité de ses parts dans ses filiales péruviennes Enel Distribución Perú S.A.A. et Enel X Perú S.A.C. à l’entreprise chinoise China Southern Power Grid International (CSGI), pour un montant total de 2,9 milliards de dollars (Zone Bourse)
Région 🌎
A l’initiative du Mexique, 11 dirigeants latino-américains ont participé à un sommet sur l’inflation dans la région. Une première étape qui a permis d’identifier les différents leviers régionaux pour lutter contre la hausse des prix, sur des produits clés, en particulier les matières premières et les engrais. Les mesures envisagées comprennent une meilleure coordination des politiques fiscales et monétaires, une réduction des dépenses publiques et une augmentation de la production alimentaire. (Buenos Aires Herald)