Equateur : Guillermo Lasso menacé de destitution
Visé par une enquête du Congrès qui pourrait mener à sa destitution, le président élu en 2021 semble être dans une impasse.
Jeudi dernier, la Cour constitutionnelle de l’Equateur a autorisé le Congrès à conduire des audiences dans le cadre d’une procédure de destitution à l’encontre du président Guillermo Lasso. La procédure concerne des accusations de corruption envers le président de droite, au pouvoir depuis mai 2021.
En janvier, le média indépendant La Posta dévoilait des rapports de police, établissant des liens entre Ruben Cherrés (un homme d’affaires équatorien), la mafia albanaise et le narcotrafic en Equateur. Le média révèle que Ruben Cherrés était également très proche de Danilo Carrera, le beau-frère du président Lasso et Hernan Luque, l’ancien responsable de l’agence des entreprises publiques en Equateur. Selon La Posta, les trois hommes auraient été à la tête d’un réseau d’influence leur ayant permis de nommer des proches à la tête d’institutions nationales et d’entreprises publiques et d'attribuer des contrats à des sociétés privées en échange de pots-de-vin. Même si les liens avec Guillermo Lasso n’ont pas été établi et que son nom n’apparaît pas dans les rapports de police, les suspicions sont lourdes à l’égard du président. D’autant que Danilo Carrera, en plus d’être le beau-frère du président, était aussi son associé lorsque Guillermo Lasso était à la tête de Banco Guayaquil entre 1994 et 2012. Selon l’opposition, il est impossible que Guillermo Lasso n’ait pas été au courant des agissements de Cherrés, Carrera et Luque.
Jeudi dernier, la Cour constitutionnelle a donc donné le feu vert au Congrès pour mener l’enquête sur cette affaire. Une commission parlementaire doit désormais conduire des audiences qui devraient durer plusieurs semaines, avant de déboucher éventuellement sur un vote en destitution.
Ce scandale d’Etat, appelé “El grande padrino” (“Le grand parrain”) par les médias locaux, d’une ampleur sans précédent en Equateur, a connu un nouveau rebondissement vendredi, alors que le corps de Ruben Cherrés était retrouvé dans la province de Santa Elena. Ruben Cherrés, qui était activement recherché par la police depuis les révélations de La Posta en janvier, aurait été assassiné.
Dès les premières révélations, Guillermo Lasso a nié toute responsabilité dans ce dossier et a même encouragé la police à mener l’enquête sur cette affaire. La semaine dernière, le président s’est dit “indigné” par le procès en destitution enclenché par l’opposition au Congrès et estime qu’il s’agit d’une manœuvre politique. Selon lui, quand bien même il aurait été au courant des agissements de Cherrés, Carrera et Luque, les faits remontent à la période 2018-2020, avant le début de son mandat et ne devraient donc pas servir de base à un procès en destitution. Mais l’opposition cherche à déterminer si le président était au fait de ces actes de corruption et si c’est le cas, pourquoi ne les a-t-il pas signalé.
Elu en 2021 sur un programme libéral et promettant de lutter contre la corruption tout en dynamisant l’économie équatorienne, Guillermo Lasso avait bénéficié de la division dans les rangs de la gauche. Il avait même gagné l’élection avec moins de voix qu’il n’en avait obtenu lors de sa défaite au second tour en 2017 face à Lenín Moreno. De plus, avec un Congrès contrôlé par l’opposition, le mandat de Lasso s’annonçait compliqué. Il a d’autant plus été mis en difficulté que l’Equateur connaît depuis 2020 une vague de criminalité liée au narcotrafic sans précédent, à laquelle le pays ne semble pas préparé. Le nombre d’homicides en Equateur a ainsi augmenté de 180% entre 2020 et 2021.
En 2022, le pays a été fortement touché par l’inflation, provoquant d’importants blocages et manifestations, notamment de la part des communautés indigènes. Une crise sociale qui avait débouché sur une tentative de destitution du président. Le Congrès n’avait toutefois pas réuni assez de voix pour voter la destitution de Guillermo Lasso, qui avait fini par trouvé un terrain d’entente avec les communautés indigènes, proposant notamment l’organisation d’un référendum sur la sécurité et la vie politique en février dernier. Ce referendum devait rétablir du crédit politique pour Guillermo Lasso et renforcer son mandat face au Congrès. Au contraire, l’échec du referendum et le retour au premier plan de la gauche lors des élections municipales ont constitué une lourde défaite politique pour le président.
Guillermo Lasso est aujourd’hui dans une impasse. Si un vote devait avoir lieu sur sa destitution, il semble très peu probable qu’il ait les soutiens nécessaires pour se maintenir. Il est donc plus envisageable qu’il décide de prendre les devants en organisant des élections anticipées. Il perdrait certainement son mandat, au profit de la gauche, mais pourrait peut-être négocier l’abandon de l’enquête à son encontre.
Pour l’instant, le président semble vouloir sauver son mandat en se montrant plus radical dans la lutte contre le narcotrafic. Ce samedi il a décrété l’état d’urgence dans plusieurs provinces touchées par le trafic de drogue, dont celle de Guayaquil et a autorisé le port d’armes légères “pour la défense personnelle”. Guillermo Lasso a affirmé que son gouvernement était prêt à «combattre les criminels avec toute la force de la loi».
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
L'agence de notation Standard & Poor's (S&P) a abaissé la note de la dette de l'Argentine en raison de risques économiques accrus. Toutefois, elle ne prévoit pas de défaut de paiement dans l'immédiat. (Le Figaro)
Le FMI a accordé à l’Argentine un versement de 5,4 milliards de dollars suite à une revue des objectifs financiers fixés au pays sud-américain dans le cadre du programme de rééchelonnement de la dette. (Buenos Aires Herald)
Brésil 🇧🇷
L'ancien président brésilien Jair Bolsonaro est rentré au Brésil ce weekend après trois mois aux Etats-Unis. Accueilli à son retour par un petit comité de partisans, Jair Bolsonaro souhaiterait reprendre les rênes de l’opposition à Lula. Cependant, l’ancien président est toujours visé par une douzaine d’enquêtes au Brésil. (Reuters)
Chili 🇨🇱
L'indice d'activité économique (IMACEC) du Chili a connu une baisse de 0,5% en février par rapport au même mois de l'année dernière, selon des données publiées lundi. Un chiffre en deçà des prévisions, qui tablaient sur une hausse de 0,1%. Cette baisse est expliquée par les mauvaises performances du secteur minier. Elle annonce aussi une croissance difficile en 2023, qui pourrait néanmoins se relever au second semestre grâce à une baisse de l’inflation et une hausse de la demande internationale en cuivre. (Investing)
Mexique 🇲🇽
Selon les prévisions budgétaires du gouvernement, l'économie mexicaine pourrait croître jusqu'à 3,0 % cette année ainsi que l'année prochaine grâce à l'augmentation des investissements dans le secteur manufacturier et à une baisse graduelle de l'inflation. Le ministère estime que la deuxième plus grande économie d'Amérique latine connaîtra une croissance comprise entre 2,2 % et 3,0 % cette année et entre 1,6 % et 3,0 % en 2024. L'inflation du Mexique devrait ralentir pour atteindre 5,0 % d'ici la fin de cette année et 4,0 % d'ici la fin de 2024. (Reuters)
Un incendie dans un centre de rétention à Ciudad Juarez a coûté la vie à au moins 39 personnes la semaine dernière. Les autorités ont arrêté un migrant vénézuélien suspecté d’être à l’origine du départ du feu. La tragédie a poussé le président AMLO à pointer du doigt le manque de soutien de Washington envers les pays d’Amérique centrale et le Mexique. (RFI)
Panama 🇵🇦
La reprise économique au Panama a été "très forte" selon le FMI, qui estime à 7,5% la croissance du PIB en 2022. Cependant, la croissance devrait ralentir à 5% cette année. Le pays est confronté à des risques de nouveaux chocs externes, notamment suite à son entrée dans la liste grise du Groupe d’action financière (FATF) et aux incertitudes pesant sur le secteur minier. (Yahoo Finance)
Pérou 🇵🇪
La justice péruvienne a ouvert une enquête pour blanchiment d’argent contre la présidente Dina Boluarte et l’ex-président Pedro Castillo. Selon le parquet péruvien, ils auraient reçu des fonds illégaux de la part d'une entreprise de construction lors de la campagne présidentielle de 2021. La présidente a nié les accusations et a assuré sa coopération totale avec l'enquête. (Le Figaro)
La présidente péruvienne a survécu ce mardi à une motion de censure de la part du Congrès, renforçant sa position à la tête de l’Etat. (Ouest France)
Le Pérou a rappelé définitivement son ambassadeur en Colombie en raison des "ingérences et propos offensants" du président colombien Gustavo Petro. Ce dernier avait critiqué la gestion politique de Dina Boluarte et apporté son soutien au président destitué en décembre Pedro Castillo. Le gouvernement péruvien a également appelé à une réunion urgente de l'Organisation des États américains (OEA) pour discuter de cette situation. (La Libre)
Uruguay 🇺🇾
Selon un rapport de l'Institut national des statistiques de l'Uruguay, le taux de pauvreté dans le pays est tombé à 9,9 % en 2022, contre 10,9 % en 2021. Le rapport indique également que le taux d'extrême pauvreté a diminué de 1,6 % à 0,9 % en 2022. Cette baisse de la pauvreté en Uruguay est due à une augmentation des salaires réels, une amélioration de l'emploi et à une augmentation des aides sociales. (MercoPress)
Région 🌎
Plusieurs représentants de Taïwan ont effectué une tournée diplomatique en Amérique centrale la semaine dernière, rencontrant les présidents du Salvador, du Honduras et du Guatemala. Une visite considérée comme une tentative de Taïwan pour contrer l'influence croissante de la Chine dans la région. En effet, la Chine a accru ses investissements et sa coopération économique avec les pays d'Amérique centrale ces dernières années. Elle a également établi des relations diplomatiques avec plusieurs pays de la région, notamment le Panama et le Costa Rica. Récemment, le Honduras a rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan pour pouvoir développer ses relations commerciales avec la Chine. (Le Monde)