Pérou : le président Castillo destitué et arrêté
Visé par une nouvelle procédure de destitution, Pedro Castillo a voulu dissoudre le Congrès et prendre le contrôle des institutions mais a fini par être arrêté.
Le Pérou a connu ce mercredi 7 novembre un nouveau rebondissement dans la crise institutionnelle que traverse le pays depuis plusieurs années. Visé par une procédure de destitution (la troisième en un an et demi) qui devait être votée au Congrès ce mercredi, le président Pedro Castillo a livré une déclaration télévisée peu de temps avant le vote pour annoncer la “dissolution temporaire” du Congrès.
Dans ce qui est apparu comme une tentative de prise de pouvoir sur les institutions politiques péruviennes, le président Castillo a annoncé vouloir installer un “gouvernement d’exception” qui aurait la capacité de légiférer par décrets jusqu’à l’organisation de nouvelles élections législatives. Il a également déclaré vouloir réorganiser le pouvoir judiciaire, instaurer un couvre-feu nocturne et demander à ce que les civils disposant d’armes les remettent aux autorités.
L’annonce de Pedro Castillo a ainsi résonné comme les prémices d’un autogolpe (auto-coup d’Etat) et beaucoup d’analystes péruviens ont comparé cette situation à celle de 1992 lorsque le président Fujimori avait prononcer la dissolution du Congrès péruvien avec le soutien des forces armées (événement connu comme Fujimorazo). Toutefois, Pedro Castillo n’a pas bénéficié du soutien escompté ni de la part de l’armée, ni de la part des membres du gouvernement. En effet, plusieurs d’entre eux ont annoncé leur démission peu de temps après l’annonce télévisée du président Castillo, refusant de soutenir l’initiative du président et laissant ainsi penser qu’il s’agissait d’une manœuvre désespérée de la part de Pedro Castillo pour échapper à la destitution. Le président péruvien a été interpellé seulement quelques heures après son annonce alors qu’il se dirigeait vers l’ambassade du Mexique à Lima, certainement pour demander l’asile politique.
De son côté, le Congrès a pu procéder au vote sur la destitution du président, une motion qui a récolté 101 voix parmi les 130 possibles. La destitution du président Castillo est donc actée et c’est Dina Boluarte, la vice-présidente, qui a été intronisée comme présidente dans la foulée. Tout comme le président de la Cour Constitutionnelle, Dina Boluarte a dénoncé la tentative de coup d’Etat de Pedro Castillo et a déclaré qu’elle assumerait le pouvoir dans le respect de la Constitution, ce jusqu’à la fin du mandat actuel en 2026.
La destitution de Pedro Castillo intervient seulement un an et demi après le début de son mandat. Ancien professeur devenu leader syndical, Pedro Castillo n’a jamais semblé à la mesure de la fonction de président. Depuis les premiers jours de son mandat il a paru dépassé par les événements. En un an et demi il a ainsi procédé à cinq remaniements ministériels, provoqués par la démission de certains ministres ou par des accusations de corruption à leur encontre. L’amateurisme du président Castillo n’a pas joué en faveur de sa popularité auprès des Péruviens. De plus, Pedro Castillo a été accusé à plusieurs reprises de corruption et d’avoir profité de sa position pour attribuer des faveurs à son entourage. Ces derniers jours, différentes personnalités, anciens membres du cabinet présidentiel, avaient déclaré avoir versé des sommes importantes au président de façon régulière notamment afin de maintenir en poste certains membres du gouvernement.
Pedro Castillo avait déjà échappé à deux procédures de destitution en un an et demi de mandat. Le Congrès n’avait cependant pas réussi à rassembler les voix nécessaires pour destituer le président. La pression s’était accentuée depuis début octobre après que le procureur général ait soumis une plainte “constitutionnelle” à l’encontre de Pedro Castillo. Un recours inédit au Pérou qui positionnait le pouvoir judiciaire du côté du Congrès et contre le président.
En succédant à Pedro Castillo, Dina Boluarte, qui vient du même parti communiste Peru Libre, devient ainsi la sixième personne à occuper le poste de président depuis 2016. Ces dernières années le pays est marqué par un affrontement institutionnel entre pouvoir exécutif et législatif. C’est notamment parce que le Congrès a étendu son interprétation de la Constitution pour pouvoir accuser d’incapacité morale, et donc destituer, un président sur la base de simples accusations de corruption. Ainsi, si le désormais ex-président Castillo faisait l’objet de nombreuses critiques, les membres du Congrès n’en sont pas exempts non plus. Si bien que les Péruviens témoignent une confiance très faible envers les pouvoirs exécutif et législatif.
Le pays est décrit comme ingouvernable par certains analystes depuis quelques années. La tentative de coup d’Etat de Pedro Castillo rappelle la nécessité d’une réforme des institutions au Pérou. En revanche, les démissions des ministres de Pedro Castillo, la non-réaction de l’armée et de la police et l’investiture rapide de la vice-présidente, selon les règles de la Constitution, ont souligné l’engagement des autorités du pays en faveur du processus démocratique.
Dans le reste de l’actualité
Argentine 🇦🇷
La vice-présidente argentine et ancienne présidente (entre 2007 et 2015) Cristina Kirchner a été jugée coupable de corruption et plus précisément d’“administration frauduleuse au détriment de l’administration publique” par un tribunal ce mardi 6 novembre. Cristina Kirchner est condamnée à six ans de prison et à une inéligibilité politique à vie. Une condamnation qui s’appliquera seulement une fois que tous les recours judiciaires seront épuisés.
La vice-présidente est condamnée pour avoir attribuer illicitement des contrats publics de voirie dans la région de Santa Cruz à un entrepreneur nommé Lazaro Baes lorsqu’elle était présidente. Elle a réagi immédiatement après le verdict dans une vidéo de presque une heure diffusée en direct sur Twitter, dénonçant la condamnation à son encontre et estimant qu’elle était victime d’un “Etat parallèle” et d’une “mafia judiciaire”.
Vialidad: en un fallo histórico, Cristina Kirchner fue condenada a seis años de prisión por corrupción en la obra pública
La Nacion, 6 décembre 2022
Chili 🇨🇱
Les prix à la consommation ont augmenté de 1% sur le mois de novembre au Chili. Une augmentation plus importante qu’espérée alors que la Banque centrale tablait sur une baisse des prix. L’inflation annualisée s’est établie à 13,3% en novembre.
Sur les mois de septembre et d’octobre, l’inflation était moins haute que prévue et semblait annoncer une diminution. Ce contexte avait poussé la Banque centrale à maintenir son taux directeur fin novembre à 11,25%, après onze hausses consécutives. Selon certains analystes, ce rebond de l’inflation est le signe que la baisse des prix prévue au Chili (mais aussi dans la plupart des pays latino-américains) n’est pas encore amorcée.
La Banque centrale a ainsi revue légèrement à la hausse ses prévisions pour l’inflation sur l’année 2022 (12,3% contre 12%) et l’année 2023 (3,6% contre 3%).
Chile Inflation Soars Past All Forecasts in Blow to Central Bank
Bloomberg, 7 décembre 2022
Equateur 🇪🇨
Le ministre de l’Economie équatorien a annoncé la semaine dernière que la croissance du pays dépasserait la moyenne régionale en 2023. Les projections du FMI font effectivement état d’une croissance de 2,7% et la Banque centrale prévoit une croissance à 3%. Le FMI prévoit une croissance moyenne de 1,7% en 2023 pour la région Amérique latine.
Avec une croissance prévue à 2,9% sur 2022, juste en dessous de la moyenne globale (3,2%) l’Equateur connait une relative stabilité économique. Surtout, le pays semble avoir maitrisé la hausse des prix puisque l’inflation annuelle était seulement de 4,1% en septembre dernier (contre 10% en zone euro et 8,2% aux USA). Le pays doit ces bonnes performances à son économie dollarisée, un chômage quasi nul (4%) mais aussi à sa relation fructueuse avec ses créanciers. Le pays s’apprête en effet à demander un nouveau prêt au FMI, après avoir rempli une série d’objectifs fixés par l’organisation de Washington.
Ecuador prevé un crecimiento económico para 2023 por encima de Latinoamérica
SwissInfo, 30 novembre 2022
Région 🌎
La CEPAL a publié ce lundi son rapport sur les #IDE en #AmériqueLatine pour l'année 2021. A l'image de la tendance mondiale, les investissements directs étrangers en Amérique latine ont rebondi en 2021. Ils s'élevaient à 148 milliards USD, soit +40,7% par rapport à 2020, année marquée par la pandémie.
Une analyse détaillée à retrouver dans ce thread sur Twitter :
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