Pérou : la présidente Dina Boluarte destituée
Le Congrés péruvien a voté la destitution de la présidente Dina Boluarte dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 octobre. Hautement impopulaire, la présidente était critiquée ces dernières semaines pour son inactivité face à une vague de criminalité qui touche le pays.
C’est un enième rebondissement dans la crise institutionnelle et politique que connaît le Pérou depuis bientôt dix ans. Dina Boluarte, qui avait été elle-même designée présidente fin 2022 après la destitution de son prédecesseur Pedro Castillo, a subi le même sort ce vendredi 10 octobre. Le Congrés péruvien a voté la destitution de la Présidente mettant en cause son inaction dans la lutte contre la criminalité, alors que différents incidents ont secoué le pays ces dernières semaines.
Le Pérou connait en effet une recrudescence de la criminalité et notamment des actes d’extorsion. Ces dernières semaines, une grêve massive des conducteurs de bus à Lima et dans les alentours a mis la lumière sur la hausse des agressions et des actes d’extorsions contre les conducteurs de bus. Depuis le début de l’année civile, 65 conducteurs de bus ont été assasinés et on estime que les gangs en activité controleraient jusqu’à 600 km de route dans Lima et sa banlieue. Mercredi dernier, veille de la destitution de Dina Boluarte, une fusillade a éclaté à un concert à Lima, faisant 5 blessés. Là aussi, l’extorsion serait le motif principal.
Cet incident a été celui de trop pour Dina Boluarte qui n’aura jamais su apporter des solutions concrètes à cette vague de violence. Dans ses dernières interventions publiques, la désormais ex-présidente semblait même minimiser l’ampleur de cette crise sécuritaire à Lima et l’imputer uniquement à la migration clandestine. Or, il semble que le problème soit bien plus profond et soit aussi lié aux défaillances de l’État au Pérou. Le pays est en effet englué dans une crise institutionnelle majeure depuis 2016, caractérisée par la successions des chefs d’États (8 différents au cours des 10 dernières années), quasiment tous destitués pour des motifs de corruption. Les institutions politiques péruviennes sont caractérisées par les larges prérogatives attribuées au Congrés, qui peut voter la destitution du Président sur de simples soupçons de corruption, rendant ainsi la vie politique particulièrement instable.
Les derniers présidents qui se sont succédés à la tête de l’État ont tous fait l’objet d’accusations de corruption ou de détournement de fonds. Dernier président élu en fonction, Pedro Castillo avait fait l’objet de trois procédures de destitution en un an et demi de mandat. Il avait finalement été destitué fin 2022 après avoir essayé de dissoudre le Congrès. Alors vice-présidente, Dina Boluarte l’avait remplacé et avait essayé de jouer la carte de la stabilité. Toutefois, n’ayant pas été élue, Dina Boluarte a vite souffert d’une faible côte de popularité. Celle-ci s’est dégradée alors qu’elle a repoussé à plusieurs reprises l’organisation d’élections présidentielles anticipées et que plusieurs affaires relatives à son train de vie ont fait surface.
En l’absence de vice-président, c’est cette fois-ci le président du Congrès José Jeri qui prend la succession de Dina Boluarte. Néanmoins il n’est pas garanti qu’il puisse rester en poste jusqu’aux élections présidentielles d’avril 2026 étant donné qu’il fait déjà l’objet de critiques pour différentes affaires, dont une qui a été classée sans suite par la justice une semaine avant sa prise de fonctions. Il n’est pas garanti non plus que les élections présidentielles et législatives de 2026 permettent de tourner la page et retrouver une certaine stabilité politique. Aucun candidat ne se démarque pour l’instant tant la confiance des citoyens envers la classe dirigeante est rompue et qu’aucune personnalité politique ne semble immune aux soupçons de corruption. L’actuel maire de Lima Rafael Lopez Allaga est la seule figure qui réunit plus de 10% des intentions de vote pour l’instant, alors que quasiment 40% des péruviens affirment qu’ils ne savent pas pour qui voter.