Bolivie : victoire historique de Rodrigo Paz à l’élection présidentielle
L'élection de Rodrigo Paz Pereira à la présidence de la Bolivie, à l'issue d'un scrutin historique, marque un tournant majeur pour le pays andin. En remportant le second tour (ballotage) du 19 octobre 2025 avec 54,5 % des voix, face à Jorge "Tuto" Quiroga, Paz du Parti Démocrate Chrétien (PDC) met fin à près de deux décennies de règne quasi ininterrompu du parti socialiste, le Mouvement vers le Socialisme (MAS). Cette victoire innatendue compte tenu des sondages initiaux, souligne une profonde demande de renouvellement politique alors que le pays connaît une crise économique majeure. Rodrigo Paz prendra ses fonctions le 8 novembre 2025.
La fin de l’ère MAS
Le premier tour de l'élection présidentielle du 17 août avait été marqué par une débâcle électorale pour la gauche. L'électorat a largement sanctionné le MAS, dont le candidat, Eduardo del Castillo, n'a recueilli que 3,15 % des suffrages, un résultat dérisoire comparé aux scores habituels du parti. Ce rejet est alimenté non seulement par le mécontentement économique, mais aussi par les profondes divisions internes et les luttes de pouvoir au sein du MAS entre l'actuel président Luis Arce et l'ancien président Evo Morales.
Morales, qui a dirigé le pays de 2006 à 2019, était interdit de se présenter pour un quatrième mandat. En signe de protestation, il a exhorté ses partisans à voter nul, ce qui a entraîné un nombre historiquement élevé de bulletins nuls et non valides, atteignant 19,1 % du total. Le changement de gouvernement après deux décennies de pouvoir socialiste indique également un probable changement net de la politique étrangère bolivienne, se traduisant par des liens potentiellement plus étroits avec les États-Unis, après une période de rapprochement avec la Chine, la Russie et l'Iran. Rodrigo Paz a d’ailleurs indiqué vouloir “ouvrir la Bolivie au monde” lors de son premier discours en tant que président élu ce dimanche soir.
Une situation économique critique
Le nouveau gouvernement hérite d'une économie qualifiée de "brisée", confrontée à sa pire crise depuis des années. Selon certains analystes, Rodrigo Paz devra faire face à un "dragon à trois têtes". Le pays est en effet impacté par trois défis structurels : une inflation élevée, une pénurie de dollars et une crise du secteur des hydrocarbures, pilier traditionnel de l’économie bolivienne.
Les réserves de dollars du pays sont passées de 15 milliards en 2014 à moins de 2 milliards en 2023, motivant la dégradation de la note souveraine par des agences comme Fitch et Moody’s. En juin, l'inflation mensuelle a atteint 5,2 %, le taux le plus élevé en Amérique latine à ce moment-là. La population, habituée aux subventions, est profondément affectée, et le gouvernement sortant a été critiqué pour son incapacité à gérer la crise. Le nouveau gouvernement aura pour priorité de "stabiliser l'économie avec le moindre coût social possible".
Le défi des hydrocarbures et des subventions
La crise des devises est fortement liée aux défaillances de l'industrie nationale du gaz, qui fut historiquement la principale source de revenus du pays. Bien que la nationalisation des hydrocarbures en 2006 ait permis au gouvernement d'Evo Morales d'investir massivement (on parlait alors de "miracle économique" en Bolivie), la production de gaz naturel a chuté d'environ 40 % depuis 2014, les sources existantes s'épuisant faute d'investissement. Aujourd'hui, la Bolivie importe environ 90 % de son diesel et plus de 50 % de son gaz consommé. Le maintien coûteux des subventions aux carburants a épuisé les réserves de dollars.
Rodrigo Paz, un économiste de formation, a axé sa campagne sur le "capitalisme pour tous", proposant un programme incluant des allégements fiscaux pour stimuler l'économie formelle et l'élimination des barrières à l'importation. Bien qu'il prévoie de mettre fin aux subventions aux carburants, Paz a promis des réformes graduelles et a rejeté l'idée de solliciter un plan de sauvetage auprès du FMI, préférant renégocier la dette existante. Il devra cependant trouver des solutions rapidement, car près de 3 milliards de dollars seront nécessaires durant les huit premiers mois de son mandat pour l'importation de carburants et le service de la dette extérieure.