Argentine : victoire décisive pour Milei aux législatives

Moins de deux ans après avoir lancé une thérapie de choc radicale, le président argentin Javier Milei a conforté sa position ce dimanche 26 octobre en remportant les élections législatives partielles. Son parti La Libertad Avanza (LLA) est en effet arrivé premier dans les urnes avec près de 41 % des voix au niveau national. Si ce score ne lui confère pas une majorité absolue au Congrès, il renforce considérablement le nombre de députés et de sénateurs de son parti et lui donne une légitimité pour poursuivre un programme de réformes radicales.

Saluant une victoire qui transforme un pari audacieux en une feuille de route plébiscitée, Javier Milei a qualifié ce moment de « point de bascule », affirmant que « aujourd’hui commence la construction de la grande Argentine ».

 
Le président argentin, Javier Milei, après la victoire de son parti La Libertad Avanza aux élections législatives de mi-mandat - Photo : Cristina Sille/Reuters

Le président argentin, Javier Milei, après la victoire de son parti La Libertad Avanza aux élections législatives de mi-mandat - Photo : Cristina Sille/Reuters

 

Javier Milei conforté, l’opposition péroniste rejetée

Les résultats de ce dimanche constituent une vraie bouffée d’air pour le camp présidentiel, qui pensait atteindre entre 30 et 35% des voix à l’échelle nationale. Ces derniers mois, plusieurs scandales et une lourde défaite lors d’une élection locale dans la province de Buenos Aires, avaient fragilisé politiquement le président argentin. Durant la campagne en amont de ces législatives, Javier Milei a su faire preuve d’un peu plus d’humilité reconnaissant que tout n’avait pas été parfait depuis le début de son mandat, tant sur le plan politique qu’économique. Il a demandé aux Argentins de lui faire confiance et de lui donner l’opportunité de mener son programme jusqu’au bout. Une approche qui semble avoir fonctionné.

Les résultats des élections législatives partielles confirment également le rejet par les Argentins d’une partie du camp péroniste, uni sous la bannière Fuerza Patria, et qui ressort comme le grand perdant avec 31,6 % des voix. En présentant des figures politiques déjà connues, l'opposition a semblé miser sur l'usure du gouvernement plutôt que de construire un projet alternatif crédible. Cet échec à incarner le renouveau a directement contribué à la démobilisation d'une partie de l'électorat. Le taux de participation, à environ 68 %, est le plus faible enregistré depuis le retour de la démocratie en 1983. Plus qu'un simple signe de fatigue, cette abstention record s'interprète comme un rejet actif d'une classe politique traditionnelle jugée inapte à répondre aux crises. Dans ce vide, le discours anti-« caste » de Milei a continué de résonner, notamment auprès d'une génération d'électeurs – la moitié des votants a moins de 39 ans – qui a grandi en voyant ses aînés se plaindre de la politique argentine.

Autre facteur qui semble avoir joué un rôle crucial pour Javier Milei : le soutien de l'administration américaine de Donald Trump. Début octobre, Washington a en effet fourni un appui financier important (une ligne de swap de devises de 20 milliards de dollars et des achats directs de pesos par le Trésor américain à hauteur de 1 milliard de dollars) au programme du président argentin. Cela a permis à l’Argentine d’éviter une dévaluation incontrôlée du peso avant le scrutin. Cet appui économique a envoyé un signal fort aux Argentins : avec Javier Milei, le pays à le soutien de Washington.

La nouvelle configuration parlementaire change la donne : selon les projections exprimées par Javier Milei lui-même, son bloc LLA passerait de 37 à 101 députés (sur 257) et de 6 à 20 sénateurs (sur 72). Concrètement, cela lui confère un pouvoir défensif significatif : le seuil nécessaire à l'opposition pour renverser un veto présidentiel est désormais beaucoup plus élevé. Cependant, LLA reste loin de la majorité absolue. Pour faire adopter ses réformes structurelles, le président devra nouer des alliances. Sa stratégie, déjà annoncée, est de contourner l'opposition péroniste dure pour négocier avec des « acteurs rationnels » : les gouverneurs provinciaux et les blocs modérés, dont la coopération sera indispensable.

Une situation macroéconomique encore fragile

Élu en décembre 2023, Javier Milei a hérité d’une situation macroéconomique critique avec une inflation annuelle dépassant les 211 %, un déficit fiscal endémique et un taux de pauvreté dépassant les 30%. Milei promettait un électrochoc économique et notamment de couper « à la tronçonneuse » dans les dépenses publiques : arrêt du financement monétaire du déficit, coupes sans précédent dans les subventions et les travaux publics, et réduction des transferts aux provinces. C’est ce qu’il a essayé d’appliquer depuis deux ans, avec plus ou moins de succès et sans majorité au Parlemen.

Les effets de cette politique ont été à double tranchant. D'un côté, les succès macroéconomiques sont indéniables : l'inflation mensuelle, qui atteignait 25,5 % en décembre 2023, est retombée autour de 2 à 3 %; pour beaucoup d’Argentins, cette maitrise de l’inflation est un succès crucial et confère à Javier Milei une vraie crédibilité. De plus, en 2024, le pays a enregistré son premier excédent budgétaire depuis plus d'une décennie. Après deux années de récession (-1,9 % en 2023 et -1,3 % en 2024), les prévisions tablaien sur une croissance de +5,5 % en 2025.  

De l'autre côté, le coût social a été immense, provoquant une chute brutale des revenus réels et une augmentation significative du taux de pauvreté. Cependant, le scrutin de ce dimanche laisse penser qu’une part significative de l'électorat est prête à endurer cet ajustement. Pour près de 41 % des votants, la colère contre la « caste » politique, jugée responsable de décennies de déclin, surpasse la souffrance économique à court terme, perçue comme un mal nécessaire pour assainir le pays.

Le président argentin est désormais dans de meilleures conditions pour aller au bout de son programme économique. Il a annoncé dimanche soir vouloir aller plus loin dans ses réformes. Il a semblé vouloir tendre une main avec certaines parties de l’opposition qu’il juge “raisonnables” et avec qui il espère pouvoir atteindre une majorité absolue. D’ici 2027, le président souhaite notamment passer plusieurs réformes sur la fiscalité, la flexibilisation du marché du travail et le système de santé argentin. Pour péreniser sa légitimité actuelle, il faudra aussi que les acquis économiques (inflation, budget) se maintiennent et que les indicateurs de pauvreté et le taux de chômage s’améliorent. 

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